Humanisme sans angélisme
Le mot lui-même, autisme, n'est presque jamais prononcé dans Hors normes, non pour nier cette "différence" mais plutôt pour éviter de coller une étiquette tellement réductrice et bien pratique...
le 23 oct. 2019
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Hors normes, c’est la découverte de tout un monde. Un monde où vivent, notamment, Bruno (Vincent Cassel) et Malik (Reda Kateb), les deux personnages principaux du film, deux responsables d’associations accueillant de jeunes autistes également encadrés par des jeunes de quartiers difficiles. On y découvre leur quotidien, animé par les excursions, les activités, les soins et toutes les difficultés rencontrées dans la réinsertion de ces jeunes, ainsi que toute l’attention qui doit leur être accordée au quotidien. Ce quotidien, Eric Toledano et Olivier Nakache le connaissent, car ils ont côtoyé les « véritables versions » des personnages qu’ils ont écrit pour Hors normes. Ils ont d’ailleurs déjà réalisé un documentaire sur ce sujet, mais le passage à la fiction leur permet d’apporter des éléments de discours et une vision plus personnelle et capable de parler à un public non-averti.
Hors normes n’est pas un film documentaire, loin de là, mais il cherche toujours à se rattacher à une forme de réalité tangible pour le spectateur, pour appuyer sa crédibilité. En effet, l’une des qualités principales que l’on peut dégager à propos de l’écriture du film et de sa structure est la variété et la complémentarité des points de vue ici exprimés. On voit les responsables d’association, totalement dévoués à leur oeuvre et militant pour aider ces jeunes. On voit également les jeunes autistes qui tentent d’avoir une vie « normale », tout comme les jeunes des quartiers, qui créent une sorte de pont entre nous et les jeunes autistes, dans le sens où ils cherchent à les aider tout en étant parfois confrontés à une sorte de méfiance et de peur, à l’instar de Dylan, autre personnage central du film. Enfin, nous voyons aussi des membres du personnel médical d’hôpitaux et d’instituts divers, et des inspecteurs mandatés pour enquêter sur les associations de Bruno et de Malik. A travers ces différents points de vue, Hors normes expose une vision transverse sur la place de l’autisme dans notre société, tirant la sonnette d’alarme sans jamais être complaisant, pour être dans une démarche plus nuancée, placée sous le signe de la sensibilisation.
En visionnant Hors normes, on se rend vite compte que l’on connaît mal toutes ces problématiques, à moins d’y être directement confronté pour des raisons professionnelles ou personnelles. Pour cette raison, les cinéastes intègrent des éléments nous permettant de nous identifier et de nous projeter dans le film (comme le personnage de Dylan), et invoquent régulièrement la comédie et des ressorts comiques (comme le comique de répétition incarné par le personnage de Joseph), ce qui permet de dédramatiser le film, mais aussi de familiariser le spectateur avec cet univers. Toutefois, Hors normes ne manque pas d’être grave, n’oubliant jamais son objectif premier, la sensibilisation. Une sensibilisation qui n’est jamais alourdie par du sentimentalisme, ni par un militantisme farouche. Naturellement, l’histoire et l’évolution de l’intrigue poussent le spectateur à prendre parti, mais le regard proposé reste toujours globalement objectif, dénonçant les faiblesses du système actuel sans jamais le condamner, cherchant davantage à l’améliorer et à laisser place à la discussion.
On peut, certes, se dire qu’Hors normes n’est pas un film qui chamboule les codes, limitant les prises de risque (malgré un travail considérable sur la direction d’acteurs, notamment des jeunes autistes) et suivant une trajectoire que l’on devine au fur et à mesure. Mais c’est avant tout un film sincère, clair et intelligent dans sa démarche, grâce à une écriture judicieuse qui lui permet d’être éloquent et pertinent. Vincent Cassel et Reda Kateb, entre autres, sont également au rendez-vous, pour un film qui parvient à être enthousiasmant malgré sa gravité, offrant de beaux moments d’émotion et qui rappelle surtout qu’une des plus grandes qualités que peut avoir une oeuvre cinématographique, c’est la sincérité dont elle fait preuve.
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Créée
le 8 oct. 2019
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