Il faut reconnaître à Herzog un talent certain, celui de parvenir à faire jaillir une certaine curiosité à l'égard d'une thématique qu'on n'aurait jamais eu idée d'aller explorer. On me parle de ventes aux enchères de bétail au fin fond des États-Unis, honnêtement, à première vue, je passe mon chemin. Et pourtant...
Et pourtant, Herzog choisit un angle d'attaque extrêmement original, celui du langage de ces vendeurs qui s'est développé et affiné spécialement autour de cette discipline. Herzog y voit une forme de poésie ultime, celle du capitalisme, celle qu'on n'aurait jamais pensé trouver là. La dynamique du documentaire est plutôt intéressante : on est dans un premier temps intrigué par la vitesse délirante à laquelle les mots défilent dans la bouche de ces personnes ; puis on se lasse étant donnée la répétitivité de la mise en scène ; et on finit complètement hypnotisé par ces sons, par une telle diction, totalement surréaliste. On passe du comique presque moqueur ("mais qu'est-ce qu'ils racontent, ces bouseux ?") à un sentiment assez inattendu, proche de la sidération devant un flot continu de paroles indiscernables. Il faudrait d'ailleurs aussi faire un documentaire sur les personnes capables de comprendre ce langage extrême... Le son qui sort de la bouche des participants de ce concours, étrangement, finit par former un flot beaucoup moins rapide, uniforme, liée à notre incompréhension. Il y a fort à parier que c'est dans ces réactions / transformations du langage que Herzog y a vu quelque chose d'aussi "effrayant que magnifique".
[AB #138]