Il y a quelques jours, je découvrais la saga Hunger Games un peu par hasard : j'ai voulu voir ce nouveau volet, sans trop savoir par avance de quoi il serait question, sans connaitre les livres et sans avoir vu les deux premières aventures [note : j'ai rattrapé mon retard depuis cette critique]. Des personnes bien informées m'ont résumé concept et histoire dans leurs grandes lignes avant la séance, que je n'y aille pas sans bagage. Mais j'entre dans ce film avec l'espèce de bougé d'un décalage horaire, déboussolé autant que son héroïne dans les belles premières secondes (un blockbuster qui s'ouvre sur un murmure, un tremblé d'image et de voix... l'histoire fait comme sa focale avant l'écran-titre, Katniss doit se rappeler à elle-même : "My name is Katniss Everdeen, I come from District 12..."). Et agréablement embarqué in medias res, comme celui qui rejoint le conteur près du feu au cours du récit. Au bon moment. La révolution est en marche et les vieilles horreurs, les saletés capitôlistes tremblent sur leur socle.

Dans ce premier segment, la révolte couve avec lenteur, et c'est tant mieux. On la voit se chercher et peu à peu trouver un temps, un rythme, une musique à elle et porter le fruit de la patience, "la longue patience du peuple", son chant des esclaves... Quelle grande séquence d'émotion insurrectionnelle, quand lady Katniss sings the blues au bord de la rivière puis qu'en quelques cuts, Hunger Games professe par l'exemple la pensée du président Mao : une étincelle met le feu à la campagne. Car déjà des centaines de combattants résolus marchent à leur tâche courageuse, saboter le barrage hydraulique (la rivière, la digue, HG file joliment ses métaphores) au devant du feu des milices du capitôle, et tous chantent en choeur le chant des insoumis.

Toute misère bue, la patience s'organise, se soulève, le blues de Katniss donne la mesure des souffrances que la révolte libère et dont elle libère ceux qui se lèvent.

Pourtant, le grand spectacle héroïque ou tragique est distillé avec retenue. Hunger Games galvanise ainsi par intensités brèves l'enthousiasme et l'indignation de terrain, mais cette 1ère partie "n'est qu'un début", l'arrivée sur le front de la guerre de classes consiste surtout à : se terrer sous un abri antiaérien au fond d'une fosse pilonnée, mener de vigoureuses campagnes de propagande en faveur des idées justes, aller enquêter dans le désert de misère et de mort semé par l'oppresseur, subir les complots contre-insurrectionnels du régime bourgeois et de son chef décadent, etc. Bref, protagonistes et spectateurs aiguisent ici leur conscience de classe et la révolution n'est pas un diner.

Les gentils du films sont ceux qui sont en général calomniés par la propagande capitôliste à Hollywood : des combattants de l'égalité à l'intégrité exemplaire et austère, des citoyens soldats disciplinés et altruistes. Ces partisans de l'armée de libération restent largement anonymes pendant le film, au profit de quelques uns de leurs capitaines, de leur présidente bien-aimée Alma Coin et de leur héroïne de coeur Katniss Everdeen ; anonymes donc comme savent l'être dignement les masses de l'égalité armée, avec l'étendard de leur révolte pour visage et emblème. Il faut rendre hommage à ces partisans de la cause du peuple, à la sobriété, aux vertus très-bolchéviques de ceux du District 13, qui ont l'entraide et la discipline pour seules ressources ; des "méchants totalitaires/pauvres totalisés" réhabilités, rendus à leur rôle d'aventuriers de la dignité par ce merveilleux conte d'éducation prolétarienne.

Visuellement, Hunger Games la Révolte n'est pas très beau, la guérilla fraternelle se passe volontiers du clinquant bourgeois, du chic aristocratique, merci ! On est presque plus proche d'un épisode de série tv en plus cher que d'un film, mais très satisfaisant de par son efficacité fonctionnelle sans reproche, ses illustrations sans compromis des crimes des ennemis du peuple, sa grisaille générale très crédible, sans se refuser quelques saines envolées de poésie populaire. Les interprètes sont tous remplaçables, interchangeables et excellents de conviction, justesse et passion communistes. Qualités du maquisard au combat, qui sont aussi celles de l'artiste sur le front culturel. Comme tout chef-d'oeuvre du réalystopisme-socialiste, HG n'est pas un apéro de la cinémathèque.

Il parait que Jennifer Lawrence pleure beaucoup dans ce volet. Peut-être. Mais d'une part, elle pleure bien et avec des nuances délicates. D'autre part, il est remarquable que jamais cependant elle ne minaude, ne gamine, ne s'écoute pleurer. Brisée d'amour et de douleur politique, elle encaisse, fait face, vacille, contre-attaque. HG3 installe une tension psychologique d'autant plus fine et touchante que jamais Katniss n'oublie ses devoirs révolutionnaires.

Que cent bourgeons fleurissent sous les ailes rebelles de l'oiseau soldat Katniss !
Mosca
9
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le 10 déc. 2014

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