Revolte creuse et (mauvais) jeu sur l'image
Envolé, l'espoir d'un ton décalé et iconoclaste que promet une effigie telle qu'un "gai moqueur". Envolé l'aperçu d'un combat drolatique contre les medias et la TV-réalité que promettaient les premiers épisodes. Envolés comme un battement d'ailes, envolés comme le chant d'oiseaux sur lequel Katniss-Lawrence fredonne, avec un air désespérément mélancolique, l'hymne de la rébellion. Il n'y a presque rien à tirer de ce film qui réussit l'exploit de tout rater, et de désintéresser le spectateur du sort de personnages pourtant déjà adoptés.
Impossible de rentrer dedans, ce qui était de toute façon inévitable puisque le choix opéré est celui du portail, de la distanciation; le travail sur l'image de la rébellion plutôt que de son contenu, à la fureur des fans, obligés de patienter pour le combat épique final. Une tentative malhonnête de cacher les enjeux par des intentions de réalisation, alors que l'enjeu réel pour le studio est de doubler les bénéfices et de générer une attente, en produisant deux parties.
Même la dessus, c'est raté, puisque l’Entertainment ne prend pas, bloqué par une mise en scène ridiculement sur-dramatique, et sur-découpée, multipliant les réactions et les figures pseudo-héroïques, dans une optique d'iconographie ; générer des icônes, nécessaires à la propagande - Katniss, Marianne des temps modernes, Le président Snow, odieux leader Tsariste vivant dans le luxe, Gale, le noble chevalier, etc...Sans oublier la figure de l'intermédiaire, le cinéaste, envoyé sur le champ de bataille pour sa superficielle habilité à enregistrer des images de la lutte, conférant définitivement à cette saga le statut de film réflexif sur Hollywood et sur sa mise en scène artificielle.
Pourtant, l'erreur de ton est là, malgré une apparente bonne idée de départ: au lieu de prendre de la distance avec le premier degré affligeant et artificiel du bon sentiment que devrait générer la rébellion, tout l'enjeu de la mise en scène est de faire disparaître le portail. C'est à dire supprimer l'écran intermédiaire qui sépare la propagande de la réalité, pour faire croire au spectateur que la rébellion est une cause juste, sans offrir de réel contrechamps sur l'ennemi. En ce sens, le personnage de Donald Sutherland est désolant, celui-ci n'étant plus que pure cruauté, et le charme naturel de l'acteur n'y changera rien. On aurait aimé plus de nuances, et c'est pour cela que la seule séquence intéressante est la confrontation avec Peetah, qui, durant son intervention télévisée, se fait interrompre par l'image de Katniss, qui se sur impressionne sur celle de Peetah. Le seul moment où la production pense à toute l'ambiguïté et à la formidable possibilité discursive qu'offre le dispositif cinématographique. Mais à ce moment du film, il est déjà trop tard