Avant tout, il faut dire une chose ; ce film n'est pas un biopic sur Dave Van Ronk, chanteur et guitariste qui fut l'ami de Bob Dylan et son mentor, mais s'en inspire dans le sens où cet homme a toujours vécu dans l'ombre de Dylan.
Les frères Coen en reprennent l'époque, une micro-apparition de Bob Dylan à la fin, mais surtout la malchance qui a semblé lui peser durant sa jeunesse.

L'histoire se passe à New York au début des années 60 et raconte l'histoire de Llewyn Davis, chanteur de folk, qui vivote de représentations dans des bars à squatter chez ses amis pour dormir dans des banquettes, sans trop savoir de quoi sera fait son lendemain. Il n'a pas grand chose pour lui, il traine de lourdes casseroles, seulement son talent de chanteur et de guitariste dont personne ne semble reconnaitre ses qualités, y compris les maisons de disques.

Je ne dirais pas que c'est un loser (malgré le titre de mon article, repris d'une célèbre expression américaine), mais un poissard, empêtré dans sa vie, ses amours contrariés, et c'est ce qui le rend touchant, car il fait tout pour s'en sortir, y compris à envisager de retourner à son premier métier, matelot, pour vivre décemment.
Dans un certain sens, si on resterait grave, il illustrerait le célèbre diction de Fitzgerald, à savoir qu'il n'y a pas de deuxième chance dans la vie d'un Américain, mais la fin laisse planer un léger espoir, avec un surprenant procédé scénaristique à la clé.

Llewyn Davis reste un personnage attachant, filmé avec beaucoup de tendresse par les frères Coen qui sont de son côté (il est quasiment de tous les plans), car c'est un personnage qu'ils ont déjà beaucoup croqué dans leur filmographie ; de O'Brother à Big Lebowski, Arizona Junior, Burn after reading, No country for old men, les exemples ne manquent pas.
Les acteurs y sont tous formidables : Oscar Isaac, surtout connu dans des seconds rôles, est étonnant, Carrey Mulligan aussi, et même Justin Timberlake. On retrouve l'habituel John Goodman en patron tortionnaire, F.Murray Abraham en manager cynique et blasé, et un chat.

Parlons de ce chat, car cet animal joue un rôle très important dans l'histoire, j'oserais même dire que c'est le deuxième personnage du film derrière Llewyn Davis.
Dans le film, une des histoires secondaires du chanteur est de laisser ce chat dans la maison que ses amis ont bien voulu lui laisser quand ils partent travailler. Mais ce chat va s'enfuir et ça va provoquer un grand traumatisme chez Davis. Il se passera bien d'autres choses avec cette bête, mais, et c'est là le génie des frangins, c'est que son nom, que je ne dirais pas pour ne pas déflorer la surprise, renvoie directement à un de leurs précédents films.
C'est un chat comme on les aime ; très beau (de pelage roux) et docile, avec ces très beaux gros plans qui le montrent en train d'observer Davis affalé dans un canapé.

Coen oblige, c'est un film où l'on rit de temps en temps, notamment durant les scènes avec John Goodman, dont son personnage est défoncé, mais c'est plus de l'ironie.
Là où j'avais peur, c'est dans l'utilisation de la folk ; je ne suis pas un très grand amateur de ce genre-là, mais dans le film, ça passe très bien, car elle renvoie à la situation passée ou actuelle de Davis. Et pendant ces chansons, il faut dire qu'on peut admirer la mise en scène des Coen, toujours impeccable, ainsi que la sublime lumière hivernale de Bruno Delbonnel.

C'est exalté que je suis ressorti de la salle de cinéma, car il est rare qu'on voit des œuvres pareilles, et qui prouve encore et toujours la très grande forme des frères Coen, film après film. Ainsi, il s'insère parfaitement dans leur filmographie et nous fait à nous qu'un jour ou un autre on a été un peu Llewyn Davis...

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le 11 nov. 2013

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Boubakar

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