« Hurler, hurler à l’agonie de la lumière. »

Interstellar, pas moins de 7 années après sa sortie en salle, continue de fasciner autant que d’émouvoir. De ce fait, on ne se heurtera pas à un mur lorsqu’on dira qu’il a marqué cette décennie et avec toute une génération de cinéphile dont je fais partie.

Encore plus qu’un film qui aborde le voyage spatial, Interstellar essaie de remettre à sa place l’humanité. Dans un futur pas si lointain, l’apocalypse semble déjà avoir commencé depuis longtemps. Le blé est mort, le maïs se meurt et la croyance des hommes avec. Plus d’armée, plus de centres spatiaux (officiels du moins), moins d’universités : tout doit être consacré au développement de la nourriture qui devient aussi rare que du pétrole.

L’introduction pose les bases du film et ne se contente pas simplement à de l’exposition fainéante, Christopher Nolan fait le portrait de ce qui pourrait advenir de notre planète si rien n’est fait en très peu de temps. Un constat aussi glacial que peut l’être le monde du docteur Mann. De plus, au delà du contexte de la Terre à cette époque, on nous dévoile la relation qu’entretiennent un père et sa fille. Car si il y a bien une chose immatérielle qui peut traverser l’espace et le temps, c’est l’amour. Notion abstraite qui est (presque) propre à notre espèce.

Lorsque Cooper s’engage dans son odyssée spatiale, Murphy le vit comme un abandon. La thématique de l’abandon est très présente dans le film, notamment avec la lâcheté du docteur Mann ou le mensonge du Professeur Brand. Interstellar parvient à montrer l’être humain sous toutes ces facettes, dans ce qu’elle a de plus admirable ou ce qu’elle a de plus détestable et égoïste.

Tout au long du film, le temps ne s’écoulera pas de la même façon pour Cooper et Murphy. Une représentation bouleversante du temps. Car dans Interstellar, cinquante longues années pour Murphy sont vécues comme quelques jours pour Cooper, qui ne pourra que constater son échec après son arrêt non fructueux sur la planète Miller.

Rater la vie de ses enfants ou sauver l’humanité, Cooper a choisi mais sait que le prix à payer est fort.

Le réalisme de la représentation de l’espace est criant, de facto le réalisateur d’Inception a su s’entourer de scientifiques pour rendre son approche crédible. Certains détails ne sont pas exacts, mais tout est volontaire pour être mis au service de l’émotion. En résulte une claque esthétique et visuelle. On pourra citer le passage dans le trou de ver qui est d’une justesse absolue, ou la fameuse séquence avec Cooper dans le tesseract. La performance de Matthew McConaughey est époustouflante, il s’agit probablement du plus grand rôle de sa carrière.

Contrairement à un certain 2001 : L’odyssée de l’espace, la fin du long-métrage n’est pas nihiliste, au contraire même : l’achèvement du film montre que l’espoir est permis. Nolan se concentre cependant davantage sur ses personnages, là où Kubrick voulait faire un portrait absolutiste de l’homme, sans caractérisation propre pour chaque personnage, des robots donc.

La comparaison est amusante dans la mesure où les robots CASE et TARS d’Interstellar sont moins antipathiques que les personnages de chez Stanley Kubrick. Les robots sont d’ailleurs dans le film des éléments souvent accompagnés d’une touche d’humour toujours bienvenue.

Un humour qui fonctionne et qui accompagne le récit sans l’entacher avec des gags digne d’un Marvel, ce que Nolan rate totalement dans son Tenet.
Autre point fort du film : sa bande originale. Composé par Hans Zimmer, (qu’on ne présente plus) la musique du film arrive à sublimer chaque scène du long-métrage.

Vous n’avez sûrement pas besoin de moi pour comprendre tout ce qui fait d’Interstellar un grand objet de cinéma. Maintenant, j’avoue avoir du mal à comprendre pourquoi de plus en plus de cinéphiles insistent sur le fait que le film serait un ratage complet.
Sûrement une volonté de s’écarter du consensus général, mais qu’importe.

Probablement le meilleur film de Christopher Nolan, Interstellar est un blockbuster qui ne prend pas son spectateur en otage et qui est rempli d’un humanisme certain. Impressionnant, spectaculaire et profondément touchant, il est impossible de rester de marbre devant cette œuvre qui risque de s’imposer dans quelques années comme un film culte.

« N’entre pas docilement dans cette douce nuit,
Le vieil âge doit gronder, tempêter, au déclin du jour,
Hurler, hurler à l’agonie de la lumière,

Si le sage sentant la fin sait que les ténèbres sont justes,
Car ses mots n’ont point forgé de foudre,
Il n’entre pas docilement dans cette douce nuit,
Hurle, hurle à l’agonie la lumière. »

Dems
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le 3 août 2021

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