Ce n’est une surprise pour personne, depuis que Christopher Nolan a redonné ses lettres de noblesse à la franchise Batman, il a le privilège de réaliser ses scripts originaux avec un budget de Blockbuster. Même si j’ai beaucoup aimé sa trilogie du Dark Knight, je dois reconnaître que j’ai toujours été plus curieux de ses productions intermédiaires. Le Prestige et Inception étaient des purs films de scénariste, des films originaux qui d’ordinaire ne peuvent en aucun cas bénéficier d’une telle valeur de production, et rien que pour ça j’ai aimé la trilogie du Dark Knight, pour les films extérieurs qu’elle a permis. Mais, parce que tout n’était pas gagné d’avance, j’ai été plus craintif à l’égard d’Interstellar suite à ma relative déception du dernier volet de Batman. On avait vendu Dark Knight Rises comme un film « trop parfait », tellement incroyable que la concurrence s’en plaignait, etc… Et au final j’avais trouvé le film bien en dessous du précédent, et bancal à bien des niveaux alors que jusqu’ici Nolan était irréprochable sur ses scripts. Alors bon, quand les informations concernant INTERSTELLAR sont sortis à grands renforts de parallèles insistants avec le 2001 de Kubrick, j’ai craint que le talentueux Nolan ne se soit perdu dans une mégalomanie un brin pathétique. J’ai n’ai jamais autant eu tort de ma vie.
Insterstellar est un grand film. C’est dit, et pourtant c’est plus complexe que ça. C’est à chaud que je vous fais cette critique et je sais pertinemment que ce film va mûrir dans mon esprit tant il m’a chamboulé, tant il m’a changé. « Il y a un avant et un après Interstellar » disent-ils dans la promo, et bien c’est loin d’être faux. Mais reprenons les choses depuis le début. Interstellar de Christopher Nolan raconte l’histoire de Joseph Cooper, ancien pilote émérite de la NASA aujourd’hui cultivateur dans une Terre à l’agonie. L’humanité est sur le déclin, balayée par d’incessants fléaux. Le Monde est retourné bien trop tard à la terre, a abandonné ses rêves de conquêtes (territoriales ou spatiales) et se concentre maintenant sur la survie d’une espèce menacée, la nôtre. Cooper refuse cette condition d’abandon pour la bonne et simple raison qu’il est père veuf de deux enfants, Tom son aîné et sa fille Murphy, et qu’il ne peut supporter l’idée de leur laisser pour héritage une planète morte et de vaines illusions. C’est ainsi que, porté par un évènement singulier, Cooper va rejoindre un programme secret d’une NASA publiquement démantelée afin d’entreprendre un périple interstellaire pouvant sauver l’humanité toute entière.

On pouvait craindre des trailers d’Interstellar que la Warner n’en ait que trop révélé, comme c’est malheureusement le cas sur des films risqués où les Majors pensent qu’il faut que le public sache précisément ce qu’il va voir avant de l’avoir vu sinon il ne daignera pas payer son ticket de cinéma. Fort du succès de la trilogie Dark Knight et de celui d’Inception, Interstellar s’est offert le droit d’être mystérieux, grand bien lui en a fait. Je vais donc faire en sorte de garder ce mystère intact, ce qui va me compliquer la tâche pour vous expliquer en quoi ce film m’a marqué, pas seulement en tant que cinéphile, mais dans ma condition d’être humain également. En de nombreux points, Interstellar m’a procuré la même sensation que le roman NEMESIS d’Isaac Asimov. Ce mélange subtil entre l’émerveillement de l’Homme face à l’absolu de l’Univers, et la terreur de notre condition face à ce même absolu. Nous ne sommes rien mais nous voulons être plus que ça. Notre évolution en tant qu’espèce nous a permis de comprendre toujours plus profondément les lois qui régissent notre univers, développant de manière prodigieuse notre compréhension du monde. Interstellar s’appuie sur cet état de fait et l’enrichit de thématiques universelles et d’une vision cartésienne de la Science-Fiction. Ça pouvait être dans certains scripts de Nolan un défaut, cette obsession de rendre tout crédible et réalisable, ce besoin de trouver une explication à tout n’est pas forcément un outil nécessaire pour un cinéaste, mais c’est un parangon d’écriture dont Nolan ne s’extrait que très rarement. Et sur ce film-là, cette lubie de véracité transcende une belle histoire d’héritage en odyssée humaniste prodigieuse. La promo de la Warner s’est d’ailleurs beaucoup attardée sur la crédibilité de la représentation du trou noir au centre du récit, de la collaboration de physiciens dans l’écriture du script afin de rapprocher le film de la vérité scientifique de ces phénomènes physiques qui sont actuellement à la bordure de la compréhension humaine. En s’installant avec maestria sur cette bordure, Interstellar happe son spectateur en l’emmenant vers des émotions enfouies que je n’avais pour ma part jamais vécues dans une salle de cinéma de toute ma vie. Cette construction lente et naturaliste nous emporte et nous fait adhérer au propos sans jamais nous en faire ressortir, et ça aurait pu ! À de nombreuses reprises le film aurait pu s’effondrer et perdre notre attention, mais JAMAIS il ne franchit la ligne ! Oh bien sûr on peut regretter certains raccourcis ou quelques lenteurs par moments, le film n’est pas parfait, mais l’impact qu’il génère chez le spectateur est tout bonnement incroyable. On est loin d’un rollercoaster grisant comme l’était Gravity, qui perd en intérêt lorsqu’on lui retire les atours d’une projection ciné 3D.

Interstellar touche au cœur de l’être humain car il développe tant de thématiques avec tant de justesse ; en les liant de surcroit avec une facilité confondante… C’est brillant. C’est un film d’une complexité folle mais qui sait se faire didactique quand il le faut, et sans jamais trop en faire non plus. De la justesse, partout, tout le temps. Ce film va vous marquer, en tout cas il a eu cet effet sur moi. On ne sort pas d’Interstellar indemne car il vous prend aux tripes de par le parcours de ses personnages et l’universalité de son sujet. Christopher Nolan est allé très loin, il a voulu nous emmener en dehors de sa zone de confort et a surmonté les obstacles avec grand talent, et nous a offert un grand film de cinéma et à mon sens sa plus belle œuvre. Soutenu par un casting plein de surprises rivalisant de sublimes performances, Christopher Nolan nous a pondu un film argentique sans artifice, un pied de nez face à l’orientation générale de l’industrie, exemple parfait s’il en fallait un que la magie du cinéma ne réside pas dans les innovations technologiques et les modes industrielles, mais dans notre faculté à ressentir des émotions universelles qui dépassent toutes considérations sociétales ou idéologiques. Interstellar est un film monument, une œuvre brillante qui bouscule son spectateur et le marque au plus profond de son être. Je suis resté là plusieurs minutes, au milieu de cette salle de cinéma, les yeux rivés sur un générique que je ne lisais pas, choqué et émerveillé à la fois. Interstellar est un excellent film de Science-Fiction, une aventure humaine poignante, un film de cinéma de grande qualité, un blockbuster intelligent et magnifique… Un film Hollywoodien comme on n’en avait pas vu depuis plusieurs décennies peut-être.
Interstellar est un grand film, et je n’aurais sans doute pas les mots assez forts pour vous inciter à foncer le voir au cinéma. Je n’étais pas hypé par la promo du film, et j’en suis sorti changé. Que de belles choses j’ai vécu, que d’émotions traversées et quelle admiration face à ce bijou… Interstellar est une œuvre magnifique qui ne pourra pas vous laisser indifférent. Il est tellement riche de thèmes et de justesse scénaristique que vous trouverez forcément de quoi nourrir votre faim de cinéphile, et plus encore. On se souviendra de ce film encore longtemps, et il va hanter mon esprit pour encore un moment. Allez-y, osez entreprendre ce voyage, on se donne rendez-vous de l’autre côté.
Anfalmyr
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le 8 nov. 2014

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Anfalmyr

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