Il plane sur le 7e Art une malédiction séculaire : quand un cinéaste dévoré d'ambition se voit décerner des lauriers, il n'a plus de comptes à rendre et fait ce qui lui passe par la tête sans retenue. Il peut désormais se contenter de la médiocrité la plus flagrante, son nom brille de mille feux dans le firmament et on continuera à récompenser ce comportement. Kubrick, Scorsese, tous ces connards ont un jour sombré sans espoir de retour.
C'est aujourd'hui le tour de Christopher Nolan. Jadis trublion prometteur ( Following / Memento ) puis faiseur-incontinent ( le remake d'Insomnia / l'adaptation du Prestige ) il a avec ses Dark Batman's et Inception su conquérir le monde avec des artifices grossiers, des vieilles idées réchauffées au micro-ondes, et une certaine exigence technique qui ne lui a pas fait défaut, tournage et diffusion en pelloche, etc... Mais à vrai dire, Nolan a pris le problème à l'envers : si les meilleures soupes se font dans les vieux pots, il use de pots flambant-neufs pour y verser des vieilles soupes qui puent.
Et Interstellar, c'est de la soupe. Comme un tube de David Guetta : assommant et répétitif mais tout le monde se précipite pour l'écouter. Ça n'a rien d'étonnant, vu l'arsenal déployé : 170 millions de dollars d'IMAX et de DTS ça envoie ! Les murs tremblent ! Mais ne sommes-nous pas en droit d'exiger le meilleur, quand on nous annonce le meilleur ?
Mon premier grief à l'encontre du film c'est qu'il n'y a pas un atome d'original. De la trame de Lost in Space à l'explication de l'espace-temps prélevée sur Event-Horizon, en passant par de gros morceaux de Contact, Interstellar peine à se démarquer de ses ainés, qui ne sont même pas si illustres que ça, comble de la honte !
On va me dire que je suis un hater revenu de tout et que j'aime plus rien quoi qu'on me présente, aussi je prends soin de m'ériger en faux : l'année dernière on a eu Ender's Game qui parlait de partir dans l'espace régler les problèmes de l'humanité, qui empruntait énormément aux alentours ( Starship Troopers / Harry Potter ... ) et parvenait à surprendre par petites touches inattendues et un final brillant.
Interstellar échoue systématiquement à surprendre. Tout est si balisé, si vu-et-revu qu'on anticipe chaque prochaine phase avec une demi-heure d'avance, baillant entre deux gags bien sentis.
Car on a beau dire, l'humour est là.
Quand tous les scientifiques, jusque là bouche-cousue en mode GeStaPo, lâchent en vrac toutes les infos secrètes de la NASA parce que Matthew a simplement dit : "Gravité"...
Quand on décide de l'envoyer lui pour aucune raison, clairement dans l'ordre de mission il ne sert à rien...
Quand on se pose au pif sur une planète dont on ne sait rien...
Quand Anne Hathaway parle de l'amour...
Quand l'élite de la communauté scientifique peine à comprendre que Matt Damon a falsifié ses relevés alors qu'un simple coup d'œil dans le hublot te crie que cette planète c'est de la merde...
Quand Matt DamBADABOUMM !
Trop marrant.
Autant de maladresses, aussi bien scénaristiques que de mise-en-scène ( il y a franchement des fautes de raccords qui piquent ) qui viennent égayer le trajet mais ne constituent pas, hélas, un argument en faveur du film, comme Prometheus avant lui.
Mais ce qui achève de faire de ce film un objet à fuir séance tenante, c'est qu'il est totalement incohérent. Il n'y a pas une information déversée au cours du métrage qui ne soit pas invalidée dans la minute. Soit par les personnages qui déclarent avec arrogance : "Nan ça me plait pas on va faire comme j'ai dit" soit par le scénariste lui-même.
C'est un futur où la technologie permet des prouesses dingues, mais où l'on conserve des moyens de communication en DV-NTSC délavé au format carré, ou pire : un émetteur longue-portée amovible ! La gravité et la seule chose capable de défier le temps, mais sur une planète ou 1 heure équivaut à 7 ans en orbite, on est juste à peine plus lourd... Cette planète a été déclarée "viable/prometteuse" par une expédition qui y est morte en moins de deux... ( A part une équipe de surfeurs financée par Red Bull, je vois pas qui voudrait s'y installer. ) L'amour est la seule puissance capable de lier les hommes entre eux au delà des lois de la physique, mais un robot peut y accéder aussi, no soucy. Matthew n'agit que sur trois évènements distincts dans le trou noir, alors qu'il avait été stipulé avant le premier évènement que le "fantôme" avait frappé de nombreuses fois... Pour finir, ta sœur fout le feu à ton inestimable champ et kidnappe ta famille, mais oh look ! Elle brandit la montre de votre père qui déconne ! Tout va aller mieux... Câlin !
Au mieux les personnages passent pour des débiles ( ouvrir un sas mal arrimé, tout de même... ) au pire ce sont les frères Nolan.
Alors, pour péter plus haut que leurs culs, Ils ont parsemé le projet d'un poème lourdaud, murmuré, scandé, répété à loisir... J'en pouvais plus.
D'autant que sa scène poétique du trou-noir essaye vainement de concilier une SF abstraite et de l'esprit ( façon Doctor Who ) et une SF maniaque, technologique. Ça marche pas. Y'a pas à tortiller du cul pour chier droit ça ne marche absolument pas.
Adieu, Cricri. Va-t'en donc dans la bonne nuit silencieusement.