Christopher Nolan a encore frappé. Avec sa réputation de cinéaste qui réalise et produit des blockbusters à la facture intelligente, il a été attendu au tournant avec ce film tourné dans le plus grand secret, avec des sorties nationales hyper-synchronisées pour minimiser le risque de fuite. Les yeux sont donc braqués sur Interstellar, en tout cas pour peu qu’on arrive à dépasser la rébarbative idée d’un film de près de 2h50.
Ils ont été amplement récompensés, ces cinéphiles que rien n’arrête. Car le film donne ce qu’on attendait de lui, et davantage encore.
Dans un paysage d’un futur assez proche rendu post-apocalyptique par le passage d’un « Dust Bowl » (Tempête de poussière) à l’instar de ce qui est arrivé dans le Middle West américain au moment de la Grande Dépression, le spectateur découvre Cooper (Matthew McConaughey) et sa famille, ainsi que tous les habitants du coin, en proie à de grands problèmes alimentaires, car suite au surlabourage et à la surexploitation des ressources naturelles, la nature s’est mise en off, et bientôt la Terre est devenue irrespirable avec des ressources se tarissant à vue d’œil, et des maladies devenant chroniques.
Cooper est un ancien pilote et astronaute de la NASA, et suite à un accident dans l’espace, et aussi parce que l’utilité de programmes à haute valeur technologique ajoutée n’est plus d’actualité sur une planète en grande détresse, il s’est reconverti à l’agriculture, pour subvenir aux besoins de sa famille, composée de sa fille Murphy ( étonnante Foy Mackenzie, puis Jessica Chastain plus tard, puis encore plus tard Ellen Burstyn), une fillette brillante qui marche déjà dans les pas de son papa ingénieur, de son fils Tom (Timothée Chalamet, puis Casey Affleck), jeune homme qui a les pieds ancrés dans cette fameuse poussière, et enfin de Donald, le père de sa défunte femme qui s’occupe par défaut de l’intendance, son gendre ayant encore un peu la tête dans les étoiles malgré la reconversion.
Il ne se fait donc pas beaucoup prier lorsqu’un jour, il tombe sur une base de la NASA, cachée dans le tréfonds de la terre , comme une expérience interdite, et que celle-ci lui demande de reprendre du service pour aller explorer l’univers et les galaxies parallèles afin d’y transplanter l’humanité actuelle (plan A), ou si ce n’est pas possible pour cause de problème de gravité non résolue, d’y créer une nouvelle colonie avec des embryons congelés (plan B), avec le corollaire de l’abandon des survivants sur la planète Terre moribonde dans ce deuxième cas.
Le scenario de Christopher Nolan et de son frère Jonathan est dense, pas une des 169 minutes du film n’est inexploitée. Ce grand départ pose la question de la relation particulière que Cooper a avec sa fille Murph, L’existence de plusieurs plans créent des dilemmes et des situations ubuesques et difficiles à gérer quelquefois aussi bien sur terre que dans l’espace. La difficulté technique de la tâche (traverser un trou de ver, approcher un trou noir, braver des « singularités gravitationnelles » parmi tant d’autres merveilles de la science) nous plonge dans le cœur splendide de la Science Fiction, étayée par des thèses et des hypothèses scientifiques « validées » par des astrophysiciens comme par exemple Neil deGrasse Tyson
Matthew McConaughey joue un « Sauveur de l’humanité » extrêmement juste, entre la sensibilité d’un père veuf et aimant, inquiet pour l’avenir de ses enfants, et le brin de folie de l’astronaute téméraire et chevronné, le tout renforcé par l’assurance tranquille et nouvelle de l’acteur après ses récents rôles dans de prestigieux films, allant de Killer Joe de William Friedkin à Dallas Buyers Club de Jean-Marc Vallée, en passant par Mud de Jeff Nichols, ou le Loup de Wall street du vénérable Scorsese, des films qui ont plus que marqué la période dont un avec lequel il a raflé l’Oscar à la barbe de di Caprio…
Les autres acteurs, à commencer par Anne Hathaway et Jessica Chastain sont à l’avenant, des professionnels plus qu’aguerris qui semblent tous prendre beaucoup de plaisir à jouer dans le film de Christopher Nolan. Le reste du casting est tout aussi prestigieux (John Lithgow, Michael Caine, Casey Affleck, Matt Damon,…). Le rythme est fluide, les dialogues drôles et pertinents.
Cerise sur le gâteau interstellaire, une esthétique de Science fiction un peu « Old School », avec néanmoins des moyens modernes qui subliment la mise en scène épurée et hyper-réaliste de Christopher Nolan. Les effets spéciaux sont à couper le souffle, en suggérant davantage qu’en en mettant plein la vue.
Débarassé des affèteries de son auteur, et en particulier de scenarios hyper-compliqués qui sont loin de convaincre tout le monde, Interstellar est un film presque poétique (n’y entend-on pas à plusieurs reprises ce beau poème de Dylan thomas !), mais à l’efficacité redoutable d’un blockbuster haut de gamme et intelligent. La fibre écolo qui dénonce la surexploitation de la nature est bienvenue, car les dangers qu’elle engendre ne sont pas si éloignés de la réalité, et si ce message pouvait être entendu par le plus grand nombre, ce ne serait pas plus mal… Cà, mais également le message peut être un peu fleur bleue de l’amour comme une cinquième dimension de la vie, nécessaire pour l’accomplissement de grands desseins…