Comme d'autres cinéastes américains, Christopher Nolan se conforme à cette nouvelle mode hollywoodienne de l'odyssée spatiale, récemment illustrée par Gravity (2013). Mais, en se lançant dans la science-fiction, le réalisateur reste l'anticonformiste qu'il a toujours été, champion du thriller onirique (Inception, 2010) et du film de superhéros torturé (la trilogie Batman). Sa vision du futur se révèle dépouillée, débarrassée de tout gadget séduisant. Interstellar s'ouvre, sans précision de date, sur une Terre balayée par des nuages de poussière, un monde aride où les rêves sont partis en fumée. Cooper (Matthew McConaughey) était un grand pilote d'essai, il est devenu fermier, condamné à voir la sécheresse dévaster ses champs de maïs et ­répandre la famine. Sa fille Murphy a hérité de sa passion pour la technologie et les engins volants. Mais à l'école, on lui apprend que le fameux programme Apollo, qui permit aux Etats-Unis d'envoyer le premier homme sur la Lune, n'était qu'une mascarade destinée à ruiner l'économie soviétique, en l'entraînant dans une conquête spatiale impossible, illusoire...


Pour Christopher Nolan, il y a donc plus grave qu'une probable catastrophe écologique : que les rêves les plus fous, les plus beaux de l'histoire de l'humanité s'éteignent. Or il ne faut jamais renoncer à voir plus grand. Cette belle philosophie de cinéaste, le personnage de Cooper la porte en reprenant bientôt sa place de pilote pour une mission de la Nasa, devenue une sorte d'organisation secrète résistant au désenchantement. Il ne s'agit plus de sauver la Terre (comme d'habitude), car il est trop tard. Il s'agit de la quitter en embarquant tout le monde sur une autre planète (plan A), ou en tout cas quelques personnes et beaucoup d'embryons (plan B). De grandes manoeuvres que préparent Cooper et son petit équipage. Ces aventuriers sont des éclaireurs, des défricheurs d'avenir guidés par une citation inattendue et répétée, dans les dialogues, d'un poème de Dylan Thomas : « N'entre pas sans violence dans cette bonne nuit », disent ces vers solennels qui invitent à « rager, s'enrager contre la mort de la lumière ».


Christopher Nolan ose être lyrique et nous offre une expérience de cinéma nouvelle : pour raconter un voyage dans l'inconnu, il ne puise pas dans un vieux stock de sensations fortes. Avec lui, la science-fiction fait soudain résonner le mot « science », qu'on n'entend jamais vraiment. Les enseignements d'Einstein et de Newton sont convoqués face au mystère des trous noirs et à la logique trompeuse des distorsions du temps. Cet esprit de sérieux est un appel à viser toujours plus haut : l'envie de savoir et l'envie de voir vont de pair. Avec la complexité spatio-temporelle, offerte comme une clé de l'intrigue, vient aussi la générosité simple du cinéma : des stars dans tous les rôles principaux, des images spectaculaires. Et des sentiments. Nolan arrache l'amour à ses proportions ordinaires. Il en fait une force capable de traverser toutes les dimensions !!!

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le 16 nov. 2014

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Yoann_Carré

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