Il fût un temps où le cinéma de Christopher Nolan provoquait en moi des émotions. Depuis maintenant trois films, je voyage de déception en déception, déçue de voir un cinéaste trop rapidement adulé, sombrer dans la facilité et la paresse.


Ne pas reconnaitre de qualités à ce film serait de la mauvaise foi. Mais la somme de ses défauts l'emporte avec une trop grande largesse. Cette histoire d'un ancien pilote spatial reconverti en agriculteur qui reprend le chemin des étoiles pour le salut de l'espèce humaine sonnait déjà comme le pitch d'un film de Mickael Bay ou Roland Emmerich. Il faut un minimum d'ambition intellectuelle pour accoucher d'un film de SF au moins réussi. Nolan, coscénariste avec son frère, se borne à un film d'entertainment et réalise son hold-up en enfumant les spectateurs. Comme Inception. Un film qui se veut profond mais dont on touche rapidement le fond.


Toutes les incohérences qui parsèment le film, excusables dans un premier métrage, sont rédhibitoires à ce niveau. Le scénario enchaine les contre sens amusants ( des bières alors que les céréales ont disparu), les absurdités (une annexe de la NASA sous un champs, une équipe de vingt personnes qui bricolent en secret des engins spatiaux dans un garage etc...), les personnages mal écrits ( Cooper qui passe d'agriculteur à pilote en une soirée, Mann le génie qui ne sait pas ouvrir un sas pressurisé etc...), les facilités ( Cooper qui retrouve comme par hasard la radio que Mann a arraché, Cooper repêché comme par hasard au large de Saturne etc...). Une accumulation de détails ou de plus grosses boulettes qui nuisent à la longue dans un film vendu comme "intelligent"


Émotions. Il ne suffit de mettre constamment des yeux humides en gros plan pour provoquer des émotions. Les relations entre les protagonistes sont sans enjeux. On ne se sent pas concerné par cette mission dans l'espace, par ce combat sur terre. Nolan se concentre sur des personnages sans relief et occulte le background de son film. La puissance de l'amour comme force primordiale de l'univers, oui ! Mais pas de façon aussi maladroite et appuyée. Les personnages n'ont pas de réelle consistance, entourés du vide spatial ils finissent par tous se ressembler dans leur insipidité. Même sur terre où ne transparaissent jamais la rage de vaincre, la résistance face à cette fin annoncée. Des gens fuient des tempêtes de poussières, d'autres toussent, d'autres capturent des drones indiens. Pourquoi ? Nolan film cette famille, il ne s'en écarte pas. Simple échantillon de la masse ou composante remarquable ? Les deux. Mais les relations sont tissées avec des fils trop grossiers, les dialogues tantôt abscons, tantôt mièvres, achèvent l'intérêt du spectateur.


Nolan s'appuie sur le paradoxe temporel pour structurer son film, soit. Mais là encore, c'est fait sans réelle imagination. On a l'impression d'avoir déjà vu ça des dizaines de fois depuis Nimitz. L'exploration spatiale se résume à deux planètes monochromes dont on ne sait rien. La théorie de la relativité est à peine exploitée, juste pour jouer sur la corde sentimentale. Les quelques axes de réflexion sont rapidement délaissés au profit d'intrigues plus primaires, plus compréhensives, plus facilement digérables. Finalement, il y a plus d'importance donnée à un père qui revoit sa fille après 80 années d'absence que de la survie de l'espèce humaine. Cooper avait hâte de rentrer chez lui pour retrouver sa famille. Moi aussi.


Pour le coup, Nolan devrait plutôt s'inspirer de la littérature SF que pondre un scénario original. La guerre éternelle de Haldeman pourrait constituer un bon départ.

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le 23 mars 2015

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Alyson Jensen

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