Comment dramatiser le sort de l'humanité... et du cinéma.

L'humanité aurait atteint un stade de non retour. L'homme a déjà exploité, usé et vidé la Terre de sa substance. Ces fluides vitaux qui parsèment encore les rares contrées d'une Amérique victime de son propre modèle économique et politique. Cette Amérique regrette encore sa bataille politico-scientifique du temps de la Guerre froide alors qu'elle aurait dû, pense-t-elle consacrer son énergie (et bien sûr son argent) à la préservation du système écologique mondial. Et ce message implicite, le film de Christopher Nolan, nous le fait entendre très bien. Conséquence de ce modèle politique et économique, les désastres écologiques, qui se traduisent à terme sous plusieurs formes : dépérissement des ressources naturelles, pollution de l'environnement et dérèglement climatique majeur offrant une structure atmosphérique instable et difficilement contrôlable. Chaque citoyen américain est désormais sacrifié sur l'autel de l'agriculture et des tâches ou travaux rudimentaires voués à l'entretien du bétail, ou plus noble, à la recherche scientifique. Notre planète Terre a donc perdu l'occasion de se préserver au milieu d'un soi disant chaos, entretenu par l'industrie et la cupidité des hommes convoitant des réserves floristiques et faunistiques qui semblaient inépuisables. Au sein de ce chaos un seul rempart : la science de l'espace, plus communément appelée l'astronomie pour espérer de trouver le moyen de quitter cette Terre et donc respirer une air plus pure. Cette science paraît comme une véritable bouée de sauvetage servant d'alibi et surtout de moyen à la conquête de nouvelles planètes ou d'autres environnements galactiques. La voie de l'interstellaire simplifie, dans ce contexte proche de l'apocalypse, grandement les choses ; ce qui est préférable et stratégiquement bien opéré de la part des producteurs pour ne pas lasser le spectateur pendant 169 minutes. Maintes fois répétées par les différentes formes de production culturelle américaine, les conquêtes terrestres ou extraterrestres suscitent le rêve, le désir de découverte, la curiosité d'explorer de nouveaux univers emprunts d'ambiance encore inconnue de notre Civilisation terrienne. Ce fantasme olfactif et visuel est purement humain et n'est pas l'objet principal de cette critique. Ici le propos se focalise surtout sur l'exploitation à outrance de ce désir virtuel ancré en chacun de nous, par une industrie cinématographique en mal de faire du chiffre, "d'exploser les compteurs" pour satisfaire toute l'équipe de production. Ce schème de rente est certes une routine dans notre système capitaliste mais devient trop outrecuidant à force de multiplier les campagnes de bandes annonces spectaculaires et au final les mêmes structures scénaristiques ressassées depuis l'invention de la science fiction, c'est-à-dire depuis 1870 et la parution de Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne, la première oeuvre culturelle mêlant science et histoire fictive où l'on pouvait encore constater ce désir de découverte vers une civilisation mystérieuse et inconnue et donc forcément fascinante. Cette fois-ci, contrairement aux romans de Jules Verne, ce n'est pas la curiosité scientifique qui nous pousse à voyager mais le contexte de raréfaction des ressources planétaires, qui va jusqu'à nous faire fantasmer sur une myriade d'étoiles d'exoplanètes. Ainsi, pour résumé, dans un contexte de dégradation de l'habitat naturel l'environnement inter-galactique évoque l'astronomie, et l'astronomie fait appel à la recherche scientifique qui elle même est un moyen (et non pas une cause) de susciter ce fantasme néo-colonial de conquête territoriale (dans le sens le plus noble du terme). Tout ceci est servi avec une série de dialogues qui atteignent un très haut niveau de théorisation incompréhensible pour le public qui, paradoxalement y voit une viabilité et une crédibilité au contexte imposé. Plus c'est compliqué et sophistiqué plus cela semble crédible aux yeux du spectateur. Et pour cause, les théories sur la dilatation du temps, la loi de la relativité d'Albert Einstein ou le concept de trou noir y sont évoqués mais avec une telle absurdité et grand manque de détail que cette science prend des allures de magicien grotesque et ridicule. Pour revenir à la substance du film et en faisant attention à ne rien révéler de compromettant pour l'effet de surprise, le fil de l'intrigue a été spécifiquement conçu pour indexer ce fantasme d'exploration et ce désir de découverte dans une sorte de scénario faussement compliqué basé sur la sophistique, un procédé bien connu des romanciers qui consiste à incrémenter de la complexité sur de la simplicité révélant finalement pas grand chose, et faisant fi de toutes formes de logique. Ce sophisme constitue malheureusement le fin mot de l'histoire principale. On pose : un cheval bon marché est rare, or tout ce qui est rare est cher, donc a fortiori un cheval bon marché est cher. La messe est dite. Les multiples voyages dans le temps et les interactions entre passé et future exploitent avec beaucoup de maladresse ce procédé de sophisme. On nous fait croire que c'est logique, mais en fait pas du tout. Et toujours ce sentiment de malaise à la vue d'une nouvelle planète et son océan immense et intimidant, d'un gris monochrome très semblable à notre Panthalassa apparue il y a 900 millions d'années, et menaçant d'engloutir d'une vague scélérate les rares téméraires humains qui ont osé l'approcher. Hormis quelques paysages californiens paisibles et agréables à observer et d'autres scènes de prises très contemplatives accompagnées de bandes originales zimmeriennes d'une grande qualité, le déroulement du film est sans véritable fond se contentant d'assouvir le spectateur de pales images et clichés numériques impressionnants mais sans contenance véritable exploitant le sentiment de peur du vide, de vertige et la sensation permanente du danger de l'infini. Médiocre

Monsieur13000
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le 11 nov. 2015

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