J'avais eu la chance de voir cette comédie musicale sur scène grâce à la Clef des Chants : un moment inoubliable, avec des comédiens géniaux. La musique de Sondheim vous subjugue et vous emporte à mille lieues d'un conte innocent : une histoire où des personnages peu respectables cachent des motivations pas très nettes et se révèlent sous leur vrai jour dans la forêt (en bien et en mal). Un beau programme en somme, et j'avais hâte d'en voir l'adaptation. Mais voilà : DISNEY !
Passons sur les incontournables défauts Disney : image trop parfaite et remplie qui fait mal aux yeux, voix complètement standardisées sans aucune émotion (au passage : merci autotune) et personnages rajeunis à l'extrême (vous le saviez, vous, que Emily Blunt avait 22 ans ?). L'intérêt de cette histoire, c'est justement les personnages imparfaits, qui se transforment au fil de l'histoire ! Ici, chacun campe sur ses positions, et tout est passé au polissoir. Le petit chaperon rouge redevient une enfant, ce qui enlève toute la tension sexuelle avec le loup (qu'on ne peut normalement pas louper !). La subtilité aussi est carrément jetée à la poubelle. L'ambiguïté des princes charmants est montrée dès le début, mais de façon trop caricaturale : ce sont de vrais salauds, mais presque sans le vouloir, du coup on n'y croit pas vraiment. Bravo quand même pour la chanson Agony, petite bouffée d'air dans ce film saturé et bruyant. Enfin, parce qu'un Disney n'en serait pas un sans des midinettes bien mièvres, on nous met une Raiponce totalement transparente, agrippée à son prince. Ma plus grosse peine était pour la femme du boulanger, originellement une femme de bientôt 40 ans, responsable, aimante et courageuse, qui ici joue les vierges effarouchées devant son propre mari, rougit comme une collégienne dès qu'on mentionne le prince et bassement veule dès qu'elle peut servir ses intérêts. Mention positive quand même pour Cendrillon, qui évite tous les clichés et réussit à offrir un personnage plus consistant.
EN BREF : on a compris, Disney n'ayant plus d'imagination, il adapte ses propres contes à la chaîne ces dernières années. Et ce film nous est présenté comme une occasion de retrouver nos personnages favoris alors qu'en réalité, il s'agirait plutôt de les piétiner sans ménagement. Mais ça, ça demande de penser un petit peu trop, ouhlà... On est consterné par une absence TOTALE d'intention et de parti pris, à tous les niveaux. Mais pouvait-on vraiment attendre autre chose de Disney ? Des personnages tellement engoncés par leurs costumes et leur jeu superficiel qu'ils en deviennent vides, et devant une histoire vide, on sent notre âme être aspirée par la médiocrité telle un ectoplasme par un GhostBuster. Voilà ce qui arrive quand on met une œuvre subversive dans les mains d'une industrie bien-pensante : du vide sidéral.