L'ambiance est là, d'entrée, les cimes des arbres blanchis dans la nuit, oppressant, angoissant, le malaise en continu. La mort nous encercle, la peur irraisonnée(car sans forme ni explication) est le personnage qui règne sur le film... Mais... rien ne se passe, rien ne change ni n'évolue, c'est un documentaire d'une froideur clinique destiné à nous démontrer le comportement de l'homme en général dans une situation de peur extrême: donc, pas de psychologie: les caractères sont effacés par leur comportement paranoïaque, on ne s'intéresse pas à eux, pas de passé, pas de personnalité, rien d'autre que le dessein forcené de sauvegarder la misérable survie des siens. C'est posé comme une réalité sans que rien ne vienne la contre-balancer. Sauf que les gens sont différents les uns des autres(du moins selon mon expérience), et qu'en l'homme il existe d'autres comportements ataviques comme de se regrouper par exemple derrière un chef de meute pour affronter un environnement hostile. C'est aussi primitif et instinctif que de défendre son bout de gras avec griffes et crocs.
Ma foi, ce n'est pas le cas ici, le patriarche détenteur du savoir est un asocial solitaire sans espoir, sans but ni stratégie autre que la méfiance(attaquer avant de poser des questions), à peine une bête folle de terreur. Et les autres, eh bien les autres... ils calquent leur comportement sur le sien. S'il y a parfois comme des embryons de conversation qui pourraient nous mener sur des pistes plus intimes, personnelles, ça s'arrête là. Il n'y a plus d'êtres humains, ils n'existent plus.
Un postulat qui aurait pu être emballé en un court métrage ou mis en valeur par une palette d'autres possibilités: Mais non, et c'est cela qui gêne, la volonté de faire de cette famille un archétype et non un cas particulier, comme si ce comportement était universel et inévitable. C'est vrai que c'est une tendance dans les villes surpeuplées, dans un environnement stressant où la peur de l'autre est sournoisement cultivée. Ce repli égoïste et paranoïaque serait justifié dans le cas où il aurait quelque chose à protéger ou défendre contre d'autres êtres humains(on protège une pseudo-sécurité et l'autre est forcément l’envieux, le voleur), mais quand il n'y a rien à défendre et dans les périodes de grande catastrophe, quand on perd tout, quand on n'a que soi, l'humain a aussi tendance à se serrer les coudes et à chercher un espoir ou à le reconstruire...
En bref, on suit le propos du film comme un bœuf attelé à sa charrue, aveuglé par ses œillères, guidé par des ornières bien creusées qui nous mènent, dociles au dénouement inéluctable sans qu'on nous laisse entrevoir d'autres possibilités: une porte ouverte qui ne serait pas rouge par exemple.
J'ai du mal à avaler la leçon unilatérale qui serait mieux passée en lui donnant un caractère particulier par le contexte ou une psychologie un peu plus poussée, ou en y introduisant une possibilité de contradiction. Mais c'est voulu, je le conçois et je ne suis pas d'accord avec cette vision superficielle et réductrice d'une tranche de comportement humain.