Dreyfus, jugé coupable de trahison avant que la Justice ne reconnaisse son erreur, le réhabilite et cesse toutes poursuites: le scénario idéal pour n'importe quel condamné. D'aucuns en savent quelque chose.
Disons-le sans détour: on peut innocenter Polanski de son médiocre et mineur travail antérieur, d'après une histoire vraie. J'accuse, c'est certes moins génial qu'à ses heures de gloire, mais ça reste néanmoins tout de même bon. Explication. Soulignons d'abord le colossal travail de reconstitution derrière ce tournage dont l’histoire se déroule fin 19ème siècle: magnifiques costumes militaires, intérieurs aux murs tapissés, au parquet raboté et à l'air enfumé, tabac prisé, pavés crottés et antisémitisme décomplexé.
Ensuite, le scénario: nouvelle collaboration avec Robert Harris (auteur du roman L'homme de l'ombre qui inspira l'excellent The Ghost Writer) et nouvelle réussite. Bien sûr l'histoire est connue, car faisant partie de l'Histoire; toutefois, le spectateur reste captif de l'intrigue, le rythme du film étant constamment et savamment maintenu, entraîné par le dilemme moral auquel est confronté le commandant Picquart (bien incarné par Dujardin) et qu'il veut à son tour faire éprouver au peuple et au monde politique (et donc à ses supérieurs).
Polanski étend son spectre critique au-delà de la simple affaire. En effet, sans non plus trop en faire, il parvient à pointer du doigt les faiblesses d'une politique effrayée par le scandale dont la presse la menace à tout instant, cynique et secrètement nourrie par les renseignements secrets usant de tous les moyens pour arriver à leurs fins. Par ailleurs, le peuple, lâche, panurgesque, mû par l'émotion collective plus que par la raison, n'est pas moins épargné. Tout cela n'étant pas sans nous rappeler notre époque.
Un bon film donc.
7.5/10