Étroitement lié à l’affaire du Gang Barrow, le second métrage américain de Fritz Lang, J’ai le droit de vivre, se réclame d’un drame social mâtiné de polar dans la plus pure tradition de L’Âge d’or Hollywoodien.


Faute avouée jamais pardonnée


J'ai le droit de Vivre, un titre français évocateur mais qui ne rend jamais justice au film de LANG tant la résonance de son titre dans la langue de SHAKESPEARE amorce en filigrane la précarité de la vie d'Eddie TAYLOR (Henry FONDA), taulard de son état bientôt marié à la jolie Joan GRAHAM (Sylvia SIDNEY). L'ex-détenu au casier judiciaire épais comme le pouce l'a promis, les récidives sont définitivement terminées. Toutefois, à toute bienveillance en préambule d'un drame se dessine peu à peu les enjeux de la spirale négative. Celle, qui, de quiproquos en accusations, d'idées préconçues en désinformation nourrit sournoisement la vindicte populaire. Libéré de sa dette carcérale, Eddie TAYLOR n'en reste pas moins une menace constante pour le peuple. Devant l'ex délinquant, la peur du citoyen prend la forme d'un réflexe verbal auto-défensif où jamais le pécheur d'antan ne sera expurgé de ses fautes. Un cambriolage en centre-ville achèvera les espoirs de TAYLOR de retrouver un semblant de vie. Traqué comme un animal par les autorités et alors que ses instincts primaires refont surface, il prend la fuite en compagnie de Joan avec l'espoir de voir la lumière au bout du tunnel.


Film en dépression


J'ai le droit de Vivre s'appuie sur une mécanique scénaristique classique aux enjeux limpides. Si sur le plan de l'écriture, le réalisateur met son spectateur sur la voie de l'identification immédiate et lui permet d'accéder rapidement aux tenants et aboutissants de son drame, c'est dans l'optique d'une réflexion sur la fragilité d'une société américaine entamée par la chute de son économie. Le film parle sans détour des dommages collatéraux engendrées par la Crise de 1929 à partir d'un repris de justice. Lorsque le film de LANG sort en 1937, Le New Deal sous ROOSEVELT colmate déjà les brèches. Une réponse forte destinée aux attentes sociales des plus démunis. Le cinéma de LANG adepte des contextes politiques éponge littéralement l'atmosphère de paranoïa des couches populaires. Le mal est encore profondément ancré et la colère du peuple se focalise sur la moindre dérive. L'Amérique au bord du Ko ne digère plus ses parias et les laisse en pâture à la foule. Plus encore que Fury dont la haine d'un homme par une bande de fous furieux rendait le métrage beau mais unilatéral, J'ai le droit de Vivre traite d'une rédemption impossible et d'une communication sourde où seul l'acte barbare fait autorité. Pris dans la spirale infernale d'une justice aveugle qui offre au quidam le droit de se faire juge, le destin de TAYLOR est donc scellé offrant un saisissant reflet déformant au fameux M le Maudit autre chef d'oeuvre du réalisateur au monocle. De son côté, Henry Fonda incarnera à nouveau une autre victime forcée d’effectuer une fuite en avant dans le magnifique Les Raisins de la colère de John Ford d’après l’œuvre de Steinbeck.


Article à retrouver sur Lemagduciné
https://www.lemagducine.fr/cinema/films-classiques/j-ai-le-droit-de-vivre-film-fritz-lang-avis-10031827/

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le 22 oct. 2020

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