A donf de vitamine E

Jodorowsky ce fut un peu une révélation pour moi il y a déjà pas mal d’années, ses films m’ont ouvert des portes que je ne soupçonnais même pas, un cinéma diffèrent, psychédélique, complètement WTF, et surtout une époque cinématographique totalement folle, moi perso j’adore. J’aime tout autant Moebius, ses travaux solo et leur collaboration BD. Et je suis fan de littérature science Fiction (Dune étant dans mes préférés, après les romans d’Asimov).

J’attendais donc beaucoup de ce documentaire, je ne connaissais le projet que très superficiellement. Quel projet ambitieux !!: musique des Pink Floyd et Magma, Mick Jagger, Orson Welles, Dali, Moebius, Giger (qui créera plus tard le monstre d’Alien).

Et puis que c'est beau et fascinant ces réalisateurs fous, vous savez, ceux qui ont cette exubérance, des rêves complétement démesurés, qui font des gros fuck à Hollywood (en l’occurrence c’est le plus souvent Hollywood qui fait le gros fuck mais bon…. On se comprend), cette folie dans le regard, cette passion…. C'est juste beau!

On pense évidemment a Terry Gilliam et son «Lost in La Mancha »… cette même fougue, cette même intensité dans le regard quand ils parlent de leur projet déchus.

Malheureusement la comparaison s’arrête la car il y a une vrai différence entre les 2 : Le film de Terry Gilliam aurait pu être réalisé (était même en train d’être réalisé et le sera surrement) alors que Dune, n’est resté qu’au stade du croquis….

Je vais sûrement m’attirer la foudre des fans boys rêveurs qui pensent réellement que ce film aurait été le plus gros chef d’œuvre de science-fiction de tous les temps. Je suis pourtant une fan absolue de El Topo, Santa Sangre et surtout de The Holy Mountain mais… Désolé de tuer votre rêve, ce film aurait été au mieux kitch, au pire grotesque !!

Oh rien à redire sur les illustrations (sublimes) mais d’une part il faut tout de même remettre tout ça dans le contexte de l’époque. Des films comme Dark Star (d’ailleurs cité dans le docu) : bof hein ! Le niveau technique aurait eu un rendu bien différent de ce qu’on peut imaginer. Ensuite il faut bien comprendre qui est Jodorowsky : rien qu’en pensant au côté ultra métaphysique de Jodorowsky qu’il comptait d’ailleurs exulter à outrance, le film n’aurait pas survécu au temps, en dehors de cette époque psyche et folle. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser à Zardoz… Attention, moi j’aime Zardoz (haha ^^) mais c’est kitch et je suis intimement persuadée que Dune aurait été de ce calibre malheureusement, ou heureusement, je ne sais pas, certainement culte (j’aurai certainement adore d’ailleurs), il aurait été vu comme un film psychédélique typique de l’époque, mais pas le chef d’œuvre intemporel ou la référence de sci-fi que tout le monde aurait en tête aujourd’hui. Le film aurait été également tellement diffèrent du roman qu’il n’aurait jamais été considéré comme une bonne adaptation…

Malgré cela, il y a un cote super intéressant dans le documentaire, mise à part le cote découverte de toutes ces peintures et illustrations du story board , la personnalité de Jodorowsky est juste incroyable : cet espèce de gourou qui embarque tout le monde dans son projet fou, pour changer le monde et la conscience des gens a jamais, le trip LSD sans le LSD comme il le dit si bien. Il a un côté naïf, une personnalité à la fois attachante et complexe. Le film dégage une certaine mélancolie quand on pense à ce pauvre homme qui n’a pas pu réaliser le rêve ultime de sa vie et qui arrêta le cinéma pendant des décennies à cause de cet échec, on sent cette colère toujours vive en lui… On imagine bien cette déception rageuse qu’il a dû avoir en apprenant que Lynch reprenait le projet…pour au final en faire un mauvais film (même si j’ai une tendresse particulaire pour ce film, je comprends haha). Je ne suis pas certaine que Jodorowsky aurait fait beaucoup mieux cela dit…

Il est également intéressant qu’un projet inaboutis réussissent à réunir des petits génies qui au final ont continué à travailler ensemble sur d’autre projets (Alien…)

Pour les côtés négatifs du documentaire, J’ai moins aimé cette langue de bois de Jodorowsky, certainement imposée par le réalisateur. Non ce n’était pas de la marijuana que O’Bannon a fumé (un trip de la sorte, non ce n'est pas de la marijuana lol), et non David Carradine ne s’est pas goinfré de vitamine E à 60 dollars la boite…. Voyons… ^^ C’est mal connaitre cette époque, et plutôt ce genre de personnages a cette époque… :D (pour avoir vu pas mal de docu dans ma vie sur cette période et sur des personnages comme Andy warhol, Dali et Jodo lui-même, je peux vous assurer qu’on est loin de la vitamine E ou du petit pétard...). C’est pas très grave mais c’est un peu ridicule, cette histoire de boite de vitamine E…

Pas spécialement aimé non plus cette prose de Jodorowsky contre l’argent, tout en sortant une énorme liasse de billet de 100 euros de sa poche, ça sent un peu l’hypocrisie…

Et cette fin ou on cherche à nous faire croire que pleins de films par la suite ont été inspirés du story board, comme pour nous prouver absolument que ce faux chef d’œuvre aurait influencé toute l’histoire du cinéma par la suite, un peu (beaucoup) exagéré selon moi et clairement tiré par les cheveux pour certains films cités. Certains films, oui sûrement, d’autres (comme lndiana Jones) je suis beaucoup moins convaincue, si on veut on peut trouver des similitudes dans des dizaines d’autres films, c’est pas très compliqué…

Je n’ai pas trop compris non plus ce que faisait Refn dans ce documentaire, à part le fait qu’il essaye de trouver des producteurs pour son projet d’adaptation de L’Incal…. (Dont j’espère la concrétisation cela dit)…

Bref, un documentaire qui est, quand on reste lucide et réaliste, un poil exagéré mais tout de même intéressant voire fascinant sur la recherche créative et la passion qui animait ce grand monsieur un peu fou, voire complétement fou, et qui emmena son équipe tel un prophète et ses disciples dans un projet complétement démesuré mais beau (sur le papier)

Apres tout, c’est beau de rêver, c’est peut être aussi ça le message, le cheminement est tout aussi intéressant que la concrétisation, sûrement plus, dans le cas de Dune en tout cas.