À l'image d'un The Raid, John Wick avait créé la surprise dans le cinéma d'action alors que son trailer n'en promettait pas tant et, surtout, il avait donné un nouveau souffle à ces films de vengeance où un seul homme se fraye un passage sanglant à travers des sbires pour régler ses comptes. Si, dans le premier volet, John Wick était forcé de sortir de sa retraite pour mettre quelques pendules à l'heure, dans ce deuxième épisode, c'est alors qu'il tente de raccrocher après avoir mis un terme aux évènements précédents que quelques figures sournoises du milieu le mettent au pied du mur pour se servir de ses talents.
Effectivement, le premier film ne brillait pas par son histoire - l'ensemble revêtait même un caractère improbable et comique - et cette suite garde également un scénario timide, et souvent prévisible. Néanmoins, là n'est pas son intérêt. Car si l'histoire qui permet de tenir les 2h de film n'est pas folichonne, à la manière d'un Mad Max: Fury Road, c'est le développement de la mythologie, à la fois autour du personnage, ainsi que des éléments en partie présentés en 2014 qui se révèle le plus fascinant. Ainsi, ce club très select d'assassins qui donne toute sa classe aux tueurs haut placés dans le film, avec ses deux règles bien précises et respectées, nous offre à nouveau quelques figures emblématiques, officiant chacune dans des lieux stratégiques, pas seulement à New York, mais aux quatre coins du monde (ici, Rome). Toute cette culture de code d'honneur classieux, de surnoms symboliques dans le milieu pour des tueurs aux capacités particulières, d'organisation finalement dissimulée aux yeux de tous, conforte l'esprit comic book que le premier film laissait entrevoir.
Et la mise en scène, très stylisée et peaufinée, n'est pas en manque pour faire de John Wick un anti-héros légendaire. Mimiques soignées et amusantes, Keanu Reeves donne une prestation stoïque, qu'il soit en train de siroter un bourbon ou bien dans le feu nourri de tirs croisés. Si le personnage est habité d'une rage primaire, sa méthodologie hors pair et son sang froid inébranlable permettent aisément de construire cette figure mythique typique des comics. Côté mise en scène, on remarque notamment un cadrage toujours très ciselé, mais également des palettes de couleurs particulièrement esthétiques, que ce soient les tons ocres des catacombes brumeuses d'Italie, ou alors les reflets et néons bleutés du labyrinthe aux miroirs. Ce ne serait pas étonnant que Skyfall y soit encore pour quelque chose. On notera également la façon de calligraphier certains sous-titres.
Cependant, le plus impressionnant, au cours du film, ce sont les affrontements, ou plutôt les mises à mort barbares de John Wick envers les sous-fifres envoyés à l’abattoir. Le réalisateur ne lésine pas sur la violence et met en scène un homme brutal, lancé dans des gunfights et combats à mains nues (ou à l'arme blanche) assez incroyables. On le remarque dès l’introduction du film - 15min d'action sauvage - ou l'affrontement se fait par cylindrées interposées principalement. Les chorégraphies sont nerveuses, viscérales, et surtout intégrées dans des plans séquences impressionnants de par leur gestion de l'espace et des figurants abattus à tour de rôle dans des éclats sanglants. Dommage que la bande-son ne soit pas aussi mémorable ; on y retrouve les accords de guitares décomplexé du premier opus, et les habituels compositions de tension lors de l'action. Mais rien de bien plus mémorable en soi, si ce n'est un accompagnement correct de l'image.
Au final, si l'entrée cinématographique faisait penser au film de Gareth Evans, l'évolution vers ce Chapitre 2 de John Wick rappelle également le pallier franchi vers The Raid 2. À savoir des chorégraphies encore plus travaillées et originales, une violence exacerbées (elle se déchaîne véritablement vers 1h15, lorsque le Croque-Mitaine est traqué de part et d'autres), mais aussi une volonté d'approfondir l'histoire, ce qui a surtout pour effet d'élargir la mythologie et de transformer le Thriller de vengeance intimiste en un survival au cœur d'une société secrète tarentulesque. Malgré tout, en préférant principalement se concentrer sur les scènes d'action - aussi jouissives puissent-elles être - que sur les personnages, ce Chapitre 2 semble par moment répétitif et surtout un brin cheaté en faveur de son personnage central. Ce n'est d'ailleurs pas la scène finale qui contredira cette impression puisqu'elle apparaît, dans un premier temps, exagérée par rapport à ce qui nous a été dévoilé sur le fonctionnement de l'univers de John Wick mais, surtout, elle pose les fondations d'un troisième épisode qui semble d'emblée complètement extravagant.