Hier soir, passait sur Arte, dans le cadre du cycle sur la Grande Guerre, un grand classique du cinéma américain. Encore un chef d'oeuvre qui aborde le sujet si difficile que représente la guerre. Après la critique de "Platoon" d'Olivier Stone et celle de "La Ligne Rouge" de Terrence Malick, je m'adonne maintenant à la critique de "Johnny s'en va-t-en guerre" qui est, à ce jour, le seul film écrit et réalisé par Dalton Trumbo (et quel film !), bien que celui-ci ait écrit bon nombre de scénarios, comme par exemple celui de "Spartacus" de Stanley Kubrick. Son seul film est une adaptation cinématographique de son propre livre écrit en 1939 qui porte le même nom que le film.

Le long-métrage s'ouvre sur un écran noir. Le jeune Joe est allongé sur son lit d'hopital. Il prend peu à peu conscience de son infirmité grâce à son cerveau et se rend compte qu'il a perdu la plupart de ses capacités sensorielles : la vue (d'où l'écran noir lors de sa prise de conscience), l'ouie (il ne perçoit plus aucun sons), la parole (il ne peut communiquer avec le personnel médical pour les décisions concernant sa santé et même sa vie) et enfin l'odorat.

Nous suivons son quotidien ou plutôt son calvaire grâce à une voix off qui est en fait la voix intérieure de Joe qui commente ses ressentis et montre que Joe se débat pour essayer de comprendre ce qui passe autour de lui lors des nombreux passages d'infirmières ou de medeçins. Le personnel médical le pense inconscient et va donc l'amputer de tout ses membres. Il perd donc toute humanité physique et n'est plus finalement qu'un vulgaire morceau de viande. Il souffre silencieusement et va trouver du réconfort dans ses souvenirs.

Le jeune homme va se remémorer sa vie avec plusieurs flashbacks qui nous montre les évènements clés de cette vie : ses moments de bonheur avec sa petite-amie notamment, les relations familiales plus particulièrement celle avec son père, mais surtout ce qui lui a donné l'envie et la motivation de partir en guerre (la cause de sa terrible infirmité) et les différentes réactions de ses proches face à cette décision. Dans ces flashbacks se mélangent habilement rêve et souvenir : parfois ils se rappellent les évènements tels qu'ils sont, d'autres fois, les situations font échos à sa situation allant même jusqu'à se transformer en une sorte de rêve dans laquelle ses proches s'adressent directement à lui pour lui redonner espoir. Mais comment sait-on s'il l'on rêve ou pas lorsqu'on n'a pas de yeux et que l'on ne sait même pas s'il l'on dort ?

La réalisation est absolument merveilleuse, magique. Dalton Trumbo joue habilement avec la pellicule en alternant des scènes en noir et blanc pour la réalité (à savoir son agonie à l'hopital mais aussi pour la guerre quand il se souvient de son accident) et des scènes en couleur (pour les rêves ainsi que ses souvenirs). Ces flashbacks sont empreint de lyrisme et de mélancolie, ce qui renforce la dureté de sa situation.

Chronique d'une vie gâchée où la souffrance physique et mentale se confondent sans cesse apportant la déshumanisation que l'on connaît. Ce puissant réquisitoire antimilitariste apparaît étonnamment moderne car il fait écho à un débat d'actualité. Cette fin claire et cruelle l'élève au rang de véritable plaidoyer en faveur de l'euthanasie, c'est-à-dire le suicide assisté. À travers ce récit originale et intimiste, vous comprendez bien que l'acharnement médical renforce la souffrance. Ce jeune homme sincère sera aussi la victime d'une société qui a honte de la guerre, et qui n'assume jamais ses choix.
TheStalker

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