Joker c'est incontestablement le film du moment, un film qui semble diviser sur une échelle allant de 1 à 10 comme si il fallait obligatoirement soit l'adorer sans aucunes réserves ou tout rejeter d'un bloc comme si le film n'avait pas plus de qualités qu'une immonde bousace torchée avec les pieds. La sortie du film en plus de ses avis critiques tranchés comme des rasoirs se double de quelques polémiques sur sa violence, la fascination qu'il entraîne pour un tueur psychopathe et sa portée "sociale" et libertaire.... Autant dire qu'il y-a matière à réfléchir et débattre ce qui fait déjà de Joker un film plus intéressant qu'une grande majorité de films insipides et incolores qui envahissent les écrans chaque année.


Joker c'est donc l'histoire d'Arthur Fleck un jeune homme qui travaille en tant que clown et qui rêve de célébrité en souhaitant devenir humoriste de stand-up. Atteint d'un handicap mental, Athur Fleck ne va connaître qu'échecs, vexation, violences, désillusions et humiliations au point de sombrer lentement et inexorablement dans la violence le transformant en Joker figure iconique du mal et du chaos.


Il y-a pour moi presque deux films dans Joker avec d'un côté cette longue et douloureuse descente aux enfers pour Athur Fleck et sa mutation en Joker et de l'autre l'aspect plus social et presque politique du film. Si la première me convainc sans trop de réserves la seconde en revanche me semble bien plus discutable. Ce qui me touche le plus dans le film de Todd Phillips c'est à quel point il a su capter la solitude et le mal être de son personnage principal jusqu'à provoquer non pas l'empathie mais un profond sentiment de malaise et d'inconfort chez le spectateur à l'image de ce foutu rire qui s'étrangle jusqu'aux larmes dans la gorge du personnage. Il faut forcément saluer la performance de Joaquin Phoenix qui incarne avec une force viscérale cette double entité Arthur/Joker. Même si elle n'est pas exempt de toutes critiques la mise en scène de Phillips nous réserve plusieurs moments de grande intensité dramatique comme la première agression d'Arthur dans le métro et de moment destiné tout simplement à devenir des classiques du cinéma comme la déjà culte scène de descente des escaliers. D'autres scènes en revanche me semblent plus anecdotiques comme la rencontre entre Arthur et Bruce Wayne devant les grilles du manoir Wayne.... J'aime également la manière dont le film dresse le constat implacable dont la société engendre ses propres monstres et démons en abandonnant les laissé pour comptes jusqu'à en faire des puits sans fins de rancœurs et de rage prête à exploser. Je ne crois pas pour autant que le film de Phillips justifie ou glorifie les agissements du Joker, faire un constat n'a jamais été une prise de position partisane. Après on pourras toujours débattre sur la dangerosité de la fascination que pourras engendrer le Joker en tant que figure cinématographique dans un contexte aussi réaliste mais le débat sur notre fascination de cinéphile pour les figures du mal et du méchant dépasse de très loin le simple carcan du film de Phillips...


(Spoilers inside) Il est temps maintenant d'en venir aux nombreuses petites réserves qui m'auront empêché d'adhérer totalement au film pour le porter au panthéon des notes ultimes. J'ai tout d'abord toujours eu du mal avec les films qui surlignent un peu trop leurs explications comme si le spectateur n'était pas capable de faire le cheminement intellectuel suffisant pour comprendre par lui même. Je prendrais pour exemple le moment ou Arthur s'introduit chez sa voisine et l'on comprends de par la réaction de panique de cette dernière que toute l'histoire d’amitié et d'amour entre les deux personnages n'est qu'un fantasme mental d'Arthur. A ce moment, cela me suffit à comprendre et je n'ai pas besoin de revoir 4 courts flash-back montrant Arthur seul à des moments ou il devait être accompagné de Sophie (Zazie Beetz). De la même manière, lorsque la travailleuse explique à Arthur que c'est leur dernier rendez vous car le centre d'aide va fermer à cause de coupes budgétaires; je n'ai pas besoin du dialogue qui en gros dit ensuite pour enfoncer le clou "Ils se moquent des gens comme vous et des gens comme moi" ... pour moi c'est déjà explicite dans la fermeture du centre. C'est comme cette scène durant laquelle la mère d'Arthur lui demande de manger car il est trop maigre avant d'enchaîner presque direct sur une remarque concernant Thomas Wayne à la télévision qui a pris beaucoup de poids ; alors oui je comprends l'image de la richesse opulente face à la sécheresse de la pauvreté mais combien à la vision du film cela me semble lourdement poser. Ce ne sont que des détails mais ils sont nombreux et cette volonté de toujours surligner de manière un peu pesante les choses finit par franchement m'agacer par son manque de subtilité.


(Spoilers Toujours) L'aspect sur lequel j'adhère le moins reste la portée sociale et politique qu'aurait prétendument les agissements du Joker vis à vis de la population de Gotham même si tout ce que je vais exposer se devra d'être relativiser à la lecture et l'interprétation que chacun se fera du tout dernier acte du film. J'ai beaucoup de mal à croire à l'embrasement de la société porté par une mécanique de violence aussi radicale que celle du Joker, peut être tout simplement car la question de la violence est souvent la limite morale de la contestation. Pour le dire plus clairement je ne crois pas une seule seconde que le meurtre froid de trois type sous le simple prétexte qu'ils étaient riches (car l'acte n'a de véritable justification qu'auprès d'Arthur) puisse susciter l'adhésion d'une foule revendicative au point d'en faire un symbole , pas plus d'ailleurs que le dernier acte de "folie" d'Arthur envers Murray Franklin puisse être l'étincelle du chaos. Comme on a pu souvent le constater, dès l'instant que la violence s'invite dans une forme de contestation les gens prennent leurs distance et ils se désolidarisent carrément lorsque cette même violence touche à l'intégrité physique d'une personne allant même jusqu'à se ranger alors plus volontiers du côté des victimes. Reste bien sûr à savoir qui sont vraiment ces gens en révolte qui portent leurs masques de clowns ? Des psychopathes en puissance ce qui en ferait quand même beaucoup ? Des gens du peuple ce qui me semble impossible au regard de mon analyse ou bien des visions et des fantasmes de l'esprit torturé d'Arthur en quête de reconnaissance ?? Autant j'adhère au cheminement d'Arthur jusque dans ses maladresses d'écritures , autant je reste beaucoup plus dubitatif face à la prétendue portée sociale et politique du film en miroir avec notre époque.


Joker n'est pas pour moi le chef d'oeuvre tant espéré mais il est encore moins ce film immonde que par esprit de contradiction certains tentent de nous vendre.

Créée

le 18 oct. 2019

Critique lue 357 fois

2 j'aime

5 commentaires

Freddy K

Écrit par

Critique lue 357 fois

2
5

D'autres avis sur Joker

Joker
Samu-L
7

Renouvelle Hollywood?

Le succès incroyable de Joker au box office ne va pas sans une certaine ironie pour un film qui s'inspire tant du Nouvel Hollywood. Le Nouvel Hollywood, c'est cette période du cinéma américain ou...

le 8 oct. 2019

235 j'aime

12

Joker
Larrire_Cuisine
5

[Ciné Club Sandwich] J'irai loler sur vos tombes

DISCLAIMER : La note de 5 est une note par défaut, une note "neutre". Nous mettons la même note à tous les films car nous ne sommes pas forcément favorables à un système de notation. Seule la...

le 11 oct. 2019

223 j'aime

41

Joker
Therru_babayaga
3

There is no punchline

Film sur-médiatisé à cause des menaces potentielles de fusillades aux États-Unis, déjà hissé au rang de chef-d'oeuvre par beaucoup en se basant sur ses premières bandes-annonces, récompensé comme...

le 2 oct. 2019

194 j'aime

123

Du même critique

Orelsan : Montre jamais ça à personne
freddyK
8

La Folie des Glandeurs

Depuis longtemps, comme un pari un peu fou sur un avenir improbable et incertain , Clément filme de manière compulsive et admirative son frère Aurélien et ses potes. Au tout début du commencement,...

le 16 oct. 2021

75 j'aime

5

La Flamme
freddyK
4

Le Bachelourd

Nouvelle série création pseudo-originale de Canal + alors qu'elle est l'adaptation (remake) de la série américaine Burning Love, La Flamme a donc déboulé sur nos petits écrans boosté par une campagne...

le 28 oct. 2020

53 j'aime

5

La Meilleure version de moi-même
freddyK
7

Le Rire Malade

J'attendais énormément de La Meilleure Version de Moi-Même première série écrite, réalisée et interprétée par Blanche Gardin. Une attente d'autant plus forte que la comédienne semblait vouloir se...

le 6 déc. 2021

44 j'aime

1