Un artiste est né. Nous sommes en 1949, les Américains nous ont fait gagner la guerre, et la France se remet peu à peu en essayant d'oublier ses traumatismes. Jacques Tati, toujours en forme, décide de filmer un petit village où il a du se réfugier durant quelques temps pendant le conflit. Pour la première fois derrière la caméra pour un long-métrage, il endosse également le costume de facteur, pour le bonheur de tous.

C'est jour de fête, les enfants font du manège, les hommes picolent entre eux, les vieilles baragouinent seules dans leurs coins, et François le facteur fait sa tournée comme un américain, à toute allure, la tête dans le guidon, et sans s'arrêter. Tourné en 1947, ce film respire l'authenticité grâce à une ville de campagne qui prend littéralement vie devant la caméra de Tati. La plupart des personnes filmées sont des habitants de la petite commune de Sainte-Sévère et pourraient donner à Jour de fête un ton presque documentaire. Mais la mise en scène, bien trop précise et méticuleuse, ne peut nous faire croire à ce genre cinématographique.

Prenant la place de René Clément pour tourner son premier court-métrage intitulé L’École des facteurs en 1946, Jacques Tati a eu l'excellente idée de prolongée cette œuvre en format long afin de montrer à tout le monde de quoi il était capable. Résultat ? Soixante quinze minutes de rythme ininterrompu où cette fête annuelle passe à une vitesse folle. Les verres de blanc s'enchainent tandis que le manège n'en finit plus de tourner, le tout sur une avalanche de détails sonores qui donnent à l'ensemble une cacophonie harmonieuse.

La dernière partie, laissant la part belle au facteur, montre tout le talent d'acteur de Tati. Ayant le visage très expressif quand la caméra s'approche de lui, son corps l'est tout autant lorsque le cadre s'éloigne. Sur le vélo, cette grande masse longue et désarticulée nous charme autant qu'elle nous fait rire, et la puissance comique de la mise en scène se marie de belle manière avec sa gestuelle. Il y a du Chaplin et du Keaton dans son art, certes, mais il y a aussi et surtout du Tati, poète d'après-guerre ayant capter les enjeux de son époque avec un genre inventif et novateur. Jour de fête était en effet l'un des premiers films français en couleurs mais faute de moyens financiers, il n'a jamais pu être développé jusqu'à sa restauration en 1995. Plus d'excuses désormais pour découvrir la naissance de cet artiste.
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le 19 août 2014

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Hugo Harnois

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