Journal intime, sorti en 1993, est une des réalisations les plus attachantes de Nanni Moretti. Un triptyque où le réalisateur italien joue son propre rôle. Le premier chapitre, En vespa, consiste en une balade d’une demi-heure dans les rues de Rome en plein été. La deuxième partie raconte une virée dans Les îles à la recherche d’un peu de calme. Enfin, Les Médecins évoque un épisode tragi-comique de la vie de Moretti. Trois films en un pour raconter l’amour de Rome, de l’art et de la vie.


Humour et légèreté
Comme son titre le suggère, Journal intime est le film le plus personnel de Nanni Moretti. Le point de vue, l’humour, le ton sont ceux éminemment subjectifs du réalisateur. A commencer par cette invitation toute simple à flâner dans les rues de la capitale. La causticité de Moretti à l’égard de ses concitoyens est drôlissime dans la deuxième partie. Les habitants de l’île de Salina se révèlent soumis au diktat de leur progéniture. Impossible d’utiliser le téléphone, celui-ci étant immanquablement accaparé par les terribles bambini. Plus tard sur les pentes du Stromboli, son vieux pote qui avait renoncé à la télévision craque : tombant sur une poignée de touristes américains, il ne résiste pas au besoin impérieux de leur demander où en est la liaison de Sally Spectra avec son amant dans Amour, Gloire et Beauté. Un télescopage improbable dont Moretti a le secret.


Chemin de croix
L’humour se fait plus grinçant mais tout aussi percutant dans Les Médecins. Atteint d’un prurit tenace, le réalisateur italien consulte tout ce qui existe dans la capitale en matière de dermatos, d’allergologues et autres acupuncteurs. Sa déambulation d’un médecin à un autre en quête du bon diagnostic amuse mais sonne comme un règlement de comptes a posteriori. Point culminant : son rendez-vous avec le « Prince des dermatos »… finalement pas plus éclairé que les autres. Et à la clé, une quantité faramineuse de médicaments prescrits inutilement. Un parcours du combattant qui, s’il relève de la farce, est en réalité inspiré d’un épisode compliqué de la vie du cinéaste. Un chapitre à la fois drôle et amer qui se clôt sur la plus saine des prescriptions : boire un grand verre d’eau et regarder la vie dans les yeux.


Musique et cinéphilie
Les trois balades – urbaine, estivale et médicale – auxquelles Moretti nous convie sont l’occasion pour le réalisateur de placer ici ou là des coups de cœur artistiques. Parfois même en forme de clins d’œil. Cinématographiquement, c’est Jennifer Beals, l’actrice de Flashdance, adulée par Moretti, qu’il croise incidemment au détour d’une rue. Ou encore cet extrait d’Anna dans lequel Silvana Mangano exécute une chorégraphie familière du réalisateur. Quant à la musique originale de Nicola Paviano, elle s’accorde parfaitement à la proposition de cinéma. Mais le film compte aussi plusieurs morceaux connus. Une des séquences les plus fortes : lorsque Moretti, sur les notes du Köln Concert de Keith Jarrett, pousse jusqu’à l’endroit même où Pasolini fut assassiné.


Critique initialement publiée sur le MagduCiné

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le 12 oct. 2022

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Theloma

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