Si je n'ai pas vu tout ce qu'a pu faire Almodovar, j'ai aimé tout ce que j'ai vu, avec une préférence pour Parle avec elle. Et ce Julieta, bien qu'imparfait, montre encore une fois, qu'en terme de mélodrame sensuel, c'est un peu lui le patron. On a un film beaucoup plus calme que d'habitude, je veux dire par là qu'on suit un personnage, qu'il n'y a pas de kidnapping, de viols, de prostitution, ou un joyeux défilés de personnages pour le moins marginaux. On a juste une femme, normale, qui se remémore sa vie.


Je ne savais pas de quoi allait parler le film avant de le voir, la bande annonce m'avait plus embrouillé qu'autre chose, et finalement ce n'est pas plus mal. Parce que ça permet de découvrir un personnage de femme fort intéressant, qui vit des événements que l'on sera tous, sans doute amené à vivre (avec plus ou moins d'intensité, parce que là Almodovar charge quand même un peu).


Alors oui Almodovar charge pas mal, mais ça passe très bien, parce que même si on est dans une sorte de mélodrame (genre que je déteste), il y a cette beauté, cette sensualité, qui sublime le tout. Aussi ses films sortent bien souvent des sentiers battus, et bien qu'il ait un sens aigu du tragique, tout n'est pas écrit d'avance, on regarde le film, sans savoir vraiment ce qui va se passer. Et j'apprécie ça.


Julieta veut donc retrouver sa fille qu'elle a perdu de vue il y a 13 ans. On ne sait pas pourquoi, elle non plus et c'est ce que l'on veut découvrir. On va donc revivre tous les moments forts de la vie de Julieta, avec ses craintes, ses doutes, ses hauts, ses bas. Mais ce n'est jamais gratuit, puisqu'il y a cette quête, cette fille que l'on veut retrouver. On le veut d'autant plus que durant le début du film Almodovar fait des références au passé de Juilieta dans les accessoires, les dialogues et on veut donc savoir ce qui y a conduit.


Bref, c'est vraiment bien écrit. C'est tellement "bien écrit", que même la fin qui semble sortie de nulle part, s'explique et fait sens, puisqu'elle résulte des actions des personnages. Sans ces actions, elle aurait été impossible. Même si je trouve ça un peu gros quand même. C'est le défaut du film pour moi, ça fait un peu trop écrit dans les dix dernières minutes. Pour moi le film aurait dû avoir une fin bien plus tragique, avec par exemple ce travelling arrière sur Julieta qui écrit sur la séparation avec sa fille.


Cependant je chipote, parce que j'ai vraiment été ému tout le long. Que ça soit sa relation avec Xoan, avec qui elle a eu sa fille. J'aime beaucoup la manière avec laquelle la relation est amenée, on commence par une scène assez flippante, qui pourrait laisser présager quelque chose, mais en fait non... Ce n'est pas la première fois que Almodovar joue comme ça avec les indices, laissant présager quelque chose qui n'arrive pas. D'où la surprise.


Et cette scène nous conduit à nous interroger sur le thème principal du film (ou du moins l'un des thèmes principaux) : la culpabilité. On voit la culpabilité ronger cette femme, la conduire à la dépression, ruiner sa vie. Et je trouve ça beau, beau parce que malgré le fait que tout ceci ne soit pas forcément réaliste, on est dans quelque chose de bien trop sensuel pour être dans la réalité, ça reste vrai. Tout ce qui vit cette femme on peut le vivre aussi et dans sa situation, je pense qu'on le vivrait de la même manière qu'elle.


C'est un film qui est là pour nous dire, ou pour dire, qu'il ne faut pas se sentir coupable de tous les maux sur Terre, certaines choses arrivent... c'est tout... on a le droit d'être heureux, il ne faut pas s'accabler des fautes passées dont en plus nous ne sommes pas responsables.


Ce qui est d'autant plus drôle que juste avant le film, la bande annonce pour un truc qui a l'air bien nul : l'origine de la violence, montrait une jeune femme dire que parce que sa famille était nazie durant la guerre elle portait en elle cette culpabilité... Il faut se libérer de ça, pour tout simplement vivre !


Bref un beau film, vraiment touchant, qui fait sans nul doute partie du haut du panier de la filmographie du réalisateur et je ne serai pas étonné que les actrices (dont le changement entre Julieta jeune et âgée se fait magnifiquement bien, à travers un plan que je trouve à la fois plein de sens et sans lourdeurs) soient récompensées à Cannes par un petit double prix d'interprétation féminine (voire une palme d'or ?).

Moizi
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le 21 mai 2016

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