Objection. On reconnaît une bonne science-fiction par son esthétisme, sa crédibilité et son originalité. Ce projet confus ne remplit malheureusement pas tous ces points comme il le faut. Ou bien, certains d’entre eux ont vu leur potentiel négligé. Pour cette dernière aventure que nous proposent Andy et Lana Wachowski, difficile de s’attendre au même impact que sur leur succès passés. Inutile de tourner autour du pot.
« Jupiter : Le destin de l'Univers » (Jupiter Ascending) illustre le profil chaotique de leur filmographie, au même titre que « Speed Racer ». Une étape nécessaire chez eux, avant et après avoir lancé des monuments. On pense alors à la saga de « Matrix » et à « Cloud Atlas » qui ont le mérite de marqué les esprits. Si de telles phénomènes existent, pourquoi ne pas reposer sur le principe d’une efficacité défiant toute concurrence, sur tous les jugements de valeur possible ? Le souci avec ce manque de réussite est que l’on soit témoin de cette défaillance technique et innovatrice de la recette traditionnelle. Rien de plus vexant pour eux et rien de plus plaisant pour nous.
Le scénario de Jupiter tombe dans le piège de la répétitivité. Les sensations de vécu enragent peu à peu le public qui attend le tournant de la routine scénaristique… et on l’attend toujours.
C’est au talent de Mila Kunis qu’on entreprend un voyage galactique esthétiquement réussi. Son interprétation de Jupiter permet de dévoiler les faces cachées d’un personnage à la fois timide et imprévisible. On l’apprécie à son caractère spontané qui fait d’elle la « princesse », sage et malicieuse. Sa tendresse appelle donc une pointe d’humour inattendu et réconfortant au fur et à mesure de son évolution. Il fallait que le mystérieux Caine (Channing Tatum) fasse son apparition pour rendre crédible le ton du film. Son charisme d’or est apprécié de tous. Il ne fait pas d’exceptions dans les autres genres, car il s’illustre le talent qu’on lui réservait depuis quelques années.
Le duo relance une machine Shakespearienne qui ne peut s’empêcher de sombrer dans la fatalité d’une affection touchante. Prévisible, dirait-on. On nous le laisse comprendre par des dialogue un peu niais et peu inspiré en tension, mais les images interprètent bien plus que l’on ne le pense.
Ce dernier essai est d’un traditionnel mélange de genres comme on les aime. Entre l’action, le thriller et la romance proposés, le spectacle est garanti. Le point fort des créateurs est l’innovation. Les Wachowski ont le don de devancer les autres sur un point futuriste, mettant en avant à la fois les valeurs de l’univers et le sens moral de héros souvent banalisés. Les effets spéciaux priment sur l’ampleur scénaristique trop désordonné. L’univers regorge de couleurs significatives et de technologies sans limite.
Chez les méchants, une dynastie couvrant les limites de l’univers vient rompre les promesses de la liberté. Kalique (Tuppence Middleton), Titus (Douglas Booth) et Balem (Eddie Redmayne) jouent la carte de la fourberie. Les valeurs qu’ils apportent résident dans la cupidité et l’instabilité face au contrôle de choses qui les dépassent. Les héros apportent ici leur raison, sans totalement revendiquer quoi que ce soit. Il s’agit ni plus ni moins d’une affaire interne entre la royauté et des pions dans une chaine industrielle choquante. Les classes sont alors critiquées, tout comme les limites des avancées génétiques et technologiques, ainsi que la notion de la vie et du temps précieux qu’il nous reste. Des réflexions loin d’être persuasive dans le fond, mais qui restent pertinentes dans la forme.
On finit quand même sur une bonne note, où le compositeur Michael Giacchino reçoit les éloges. C’est avec force et élégance qu’il étouffe les creux rythmiques d’une aventure qui aurait dû vendre un visage plus dramatique, au sens moral et métaphorique.
Le dernier des Wachowski semble inachevé et l’on ne peut que sortir frustrer d’une salle cependant ornée d’un dynamisme captivant.