Je dois bien reconnaître aux frères et soeurs Wachowski, malgré des films souvent imparfaits, une volonté toujours aussi forte de proposer à chaque oeuvre un univers bien identifié, une vision plus ou moins aboutie de ce que pourrait proposer le cinéma dans l'avenir. Sans oublier qu'ils essaient toujours de ne pas tomber dans le piège habituel des films à effets spéciaux: un vide narratif sidéral. En cela, ils sont bien meilleurs qu'un M. Night Shyamalan, réalisateur qui se retrouve la plupart du temps à mettre en image des scénarios en or et qui les transforme en plomb.
Jupiter Ascending n'a pas, c'est vrai, les mêmes ambitions que leur précédent film Cloud Atlas, véritable tour de force cinématographique, artistique et narratif. Ici, on se rapproche plutôt de la très surestimée trilogie Matrix. Même thématique d'une espèce humaine manipulée, exploitée malgré elle. Même notion d'un être hors norme destiné à sauver toute une planète de l'extermination par une "espèce" supérieure, qui agit dans l'ombre. Même "acteur" en la personne de Channing Tatum qui, comme Keanu Reeves, semble en passe de devenir le même genre de comédien: beau gosse/ regard bovin. J'avais pourtant espoir qu'ici, il trouve enfin sa voie mais non, il attendra de passer chez Allen ou les frères Coen. Mila Kunis (il y a un paquet de jeux de mots possible avec cette actrice...) est toujours jolie, très jolie même, mais en "propriétaire" de la terre ça le fait quand même beaucoup moins...Important aussi, Sean Bean ne meurt pas, ou alors j'ai oublié, puis on ne le voit pas assez. Quant à Eddie Redmayne, méchant de service, il joue comme on l'a déjà vu mieux fait par Joaquin Phoenix dans Gladiator: un personnage androgyne, doucereux mais dissimulant des colères apocalyptiques.
Non en fait si j'ai aimé, c'est pour un scénario certes déjà vu, mais restant assez rare et surtout pour l'univers visuel absolument splendide. Il y a une innovation de ce point de vue, qui va bien au-delà d'une simple digression de ce qui peut déjà exister ailleurs. Les Wachowski ont réussi à être aussi novateurs qu'ont par exemple pu l'être Moebius à son époque ou même Mézières après lui. L'univers de Jupiter est truffé de trouvailles visuelles pleines d'originalité, sur grand écran ça devait être stupéfiant.
Moins ambitieux que Cloud Atlas, moins ridicule que la trilogie Matrix (surtout les deux derniers), Jupiter Ascending semble marquer une pause avant l'arrivée cet été de Sense8, leur première série qui pourrait, par les libertés que procure ce format, permettre aux Wachowski de se révéler enfin pleinement. J'ai toujours eu l'impression que les barrières formelles qu'imposent les producteurs et distributeurs de cinéma, les empêchaient de s'exprimer réellement et desservaient cruellement leurs films. Alors oui, j'ai de gros espoirs avec Sense8, d'autant que le scénario semble très proche justement de Cloud Atlas, leur film le plus incroyable à ce jour.