Jupiter ou le manifeste anticapitaliste
[Spoilers possibles]
Après une sortie en octobre 2014 repoussée, voici venu le dernier-né des Wachowski (à qui l'on doit Matrix, Cloud Atlas ou Speed Racer pour ceux qui vivraient dans une grotte depuis 1999) : Jupiter Ascending. Il y est encore question de science-fiction, puisqu'on ne change pas une équipe qui gagne, et le synopsis est le suivant : Jupiter, terrienne qui n'est rien ni personne, une simple femme de ménage dans un Chicago immense, se retrouve embrigadé dans une aventure qui mêlera son destin à celui de la Terre (et non pas de l'Univers comme indiqué dans le titre français - encore une fois les distributeurs de chez nous ont oublié de voir le film avant de le nommer...). Elle découvre que l'Univers abrite de nombreuses races aliens et qu'une supra-dynastie de nobles en quête d'immortalité se partage la plupart des planètes, Terre comprise, qui s'avèrent être ni plus ni moins que des fermes d'élevage d'êtres humains qui servent à prolonger la quête d'éternité des nobles. Bref, la Terre est un champ de 7 milliards d'individus à terme condamnés au génocide (pardon, à la "moisson") et qui vont servir de crème hydratante à des bourges interstellaires dotés d'un très léger complexe de supériorité.
Sur ce résumé tout en gaieté, verdict après visionnage (et en 3D s'il vous plait) ? Disons que c'est un très bon film de divertissement, mais peut-être une petite déception venant des Wachos.
Mais posons d'abord les bases : ce film est une claque, non, que dis-je, une torgnole visuelle. Andy et Lana savent se servir d'une caméra et, sans aller jusqu'à dire, comme le magazine Première, que "Jupiter révolutionne le space opera", il y a de vraies idées de mise en scène, et surtout des plans incroyables de gigantisme et de splendeur qui témoigne du talent du duo (et la 3D prend là tout son sens). Talent de réalisateurs, mais également de créateurs d'univers, comme Matrix l'avait prouvé. L'Univers de Jupiter Ascending est incroyable de richesse - dommage qu'on ne s'y attarde pas suffisamment, j'y reviendrais - et de détails. Vous souvenez-vous du Néo-Séoul décrit dans Cloud Atlas ? Il ne représentait qu'un septième de ce film et pourtant cette Corée futuriste nous paraissait si réelle, si immersive. Et bien là cette sensation s'applique à tous les mondes et les décors traversés. Les costumes, magnifiques, vont également dans ce sens. Les vaisseaux, les races, les gadgets et artefacts, ne peuvent faire que vibrer les fans de SF.
Mais ce ne serait que très peu s'avancer que de prétendre que les aficionados de science-fiction, a forciuri ceux des géniteurs de Matrix, attendent aussi un fond à la hauteur de la forme,. Et c'est là que Jupiter pêche. Dommage : le postulat à la base du récit, cette réalité d'un mécanisme gargantuesque d'exploitation de la vie de multitudes au service de la vie de quelques uns qui dirige le(s) monde(s), est fascinante et son potentiel énorme. Pourtant, même si on ressent la timide critique du capitalisme excessif en filigrane, le film est davantage axé sur l'action et oublie parfois de poser son scénario, de laisser le rythme retomber, de profiter des sublimes images de l'espace, des nébuleuses, des vaisseaux... En résulte un scénario somme toute classique de blockbuster, et donc par certains côtés décevant. Je nourris d'ailleurs le secret espoir qu'il existe une director's cut et que ceci est la version des studios qui ont découpé le film au hachoir de boucher. Mais peut-être me trompe-je.
De toute façon, il y a tout de même largement de quoi assouvir son appétit de science-fiction, et difficile de rester insensible à la nébuleuse de références pop-culture qui alimente le cinéma des Wachowski : entre SF "traditionnelle, mangas, vidéo-ludisme et références historiques et mythologiques.
PS : Ah, et au passage : Channing Tatum serait le nouveau Han Solo ? Hum, non. Déjà parce que je croyais que c'était Chris Pratt le nouveau Solo. Et ensuite parce que faut pas charrier non plus.