C’est à un spectacle dantesque qu’on s’attendait. Visuellement, le résultat est au rendez vous. On ne pourra enlever au Wachowski qu’ils parviennent à composer des univers visuels d’une grande cohérence, quelques soient les clichés culturels qu’ils manipulent. Epate visuelle, et ambition de mise en scène, comme en témoignent les chorégraphies d’action qui réussissent à plusieurs reprises à flanquer le vertige. On retiendra surtout l’affrontement aérien en plein cœur de New York, et évidemment la scène de bravoure finale, où on copie un peu le style Michael Bay, pour le meilleur (très beaux effets spéciaux) et pour le pire (le scénario, mais nous allons y revenir). Le principal problème est dans le fond, mais c’est surtout de la part des Wachowski. Depuis Matrix revolution, ils ont fait de ce mélange amour & liberté une marque de fabrique. Ca s’était calmé sur Speed Racer (pour être remplacé par des tares immondes), et c’était consacré dans Cloud Atlas (avec une certaine virtuosité). Et là, ça ressort aussi, mais limpide, façon V pour Vendetta. Alors Jupiter ascending, disons le, c’est le film de trop.

Le traitement de l’héroïne est abominable. Elle est de très loin le personnage le moins intéressant, le plus prévisible et le plus lisse de tout le scénario. C’est surtout son absence de but qui agace. Elle est sans cesse dans l’émerveillement béat (« oh, mais c’est trop beau, je règne vraiment là-dessus ? » « Oh, mais vous êtes méchant en fait ! »…) et se révèle d’une vulgarité dans la compréhension des enjeux stellaires qui fait soupirer. Enfin, pouvait-on en attendre plus d’une héroïne qui est femme de ménage, qui conseille les pouffes chez qui elle bosse pour s’habiller et qui a le dernier I phone ? Je suis méchant, mais quand la conclusion d’un space opera s’achève sur une romance kikoo à voler sur les immeubles en disant « t’as vu, j’ai repris ma vie simple à récurer les chiottes parce que c’est ça être une bonne reine. », ça m’énerve. Ouais, les mains dans la merde, c’est là qu’est ta place, plutôt que d’essayer de changer ce qui cloche dans l’univers. Et c’est là qu’on arrive au cœur de la chronique, et aux monumentaux spoilers.

SPOILERS :
En fait, la famille désirant la mort de notre héroïne (et franchement, le bon goût leur dirait merci) est à la tête d’un empire galactique de colonies sous développées technologiquement qui sont moissonnées pour récupérer du matériau cellulaire brut et garantir la survie des élites pendant des millénaires. C’est simple, mais il s’agit de capitalisme ultra libéral, et de paraboles sociales basiques, mais très cohérentes avec notre époque. Le fond n’est pas mauvais, et il serait dès lors intéressant de voir comment cet impérialisme sidéral s’opère. Quitte à montrer des génocides planétaires et marcher sur les plates bandes de Star Wars. Mais le film gère mal son matériau. Surtout quand il plante le contexte familial (le frère tafiole charmeur, la sœur neutre, et l’aîné fin de race inquisiteur) sur une planète déjà ravagée qu’on sait qu’ils tuent des planètes entières. On capte dès les 15 premières minutes le danger pour les humains, et le scénario en devient hyper prévisible. C’est toutefois suffisamment rythmé. Et dans ses portraits de famille, on a des attitudes cohérentes avec de gros gérants de multinationales opérant dans un flou juridique pour se livrer à des génocides aux profits juteux. L’humain est transformé en sel génétique par barre de cent ans, et les races se bousculent auprès des humains qui gèrent l’industrie pour acheter leur longévité. Mais tout cela reste finalement assez en surface.
FIN DES SPOILERS

Et l’image du frère aîné me déplaît. Il est l’incarnation total du capitalisme. Un appétit constamment insatisfait. Représenté comme une fin de race pathétique, qui sait au grand maximum donner une gifle et qui pleure dès qu’on le frappe. La victime née. Alors que sa carrure aurait nettement convenue au rôle de Chaning tatum. C’est d’ailleurs marrant de constater à quel point inverser ces deux acteurs aurait été plus subtil et intelligent, Chaning pouvant dès lors incarner un capitalisme fort, conquérant et opprimant sans hésitation, et Eddy Redmayne la fin de race lycantropienne s’étant adapté par défaut, se révélant être une vraie teigne au combat. Mais voilà, on est dans une production clichée. Les wachowski se recyclent, et nous, on n’y croit plus vraiment. Il reste les explosions et une grande richesse d'univers. Mais quelqu’un pourrait me dire à quoi servent les gros lézards volants ? Y en a même pas des gentils, hein, ils sont tous méchants…)

Bref, Jupiter ascending, ça se mord la queue et ça tourne un peu à vide, puisqu’on sait très vite de quoi il retourne, et que la superficialité du traitement rend le résultat lassant à suivre. Visuellement toujours au niveau, mais visiblement moins inspirés que pour Cloud Atlas, la famille Wachowski devrait se calmer quelques années avant le prochain grand retour, qui espérons le, retrouvera le faste de Matrix.
Voracinéphile
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le 4 févr. 2015

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Voracinéphile

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