J'ai découvert ce film dans des circonstances un peu spéciales, à savoir un débat (ayant fait intervenir une juriste et une pédopsychiatre) sur les répercussions des violences en couple sur les enfants, organisé par une ONG féministe, International Soroptimist. La salle était donc en grande partie occupée par des femmes, et le débat a donc été animée, une partie du public chargeant en bloc l'attitude du père violent, l'autre partie (représentée par la pédopsychiatre) estimant que les torts étaient partagés.


Le film a l'intelligence de s'ouvrir sur la séance de procédure de divorce et le débat entre les avocats. Et très vite, on se retrouve dans les postures caricaturales du père violent et de la mère manipulatrice, chacun soulignant les torts présent chez l'autre sans la moindre tentative de dialogue. Mais pas de preuves, seulement des présomptions, et un avis défavorable sur le père rédigé par le fils (curieux d'ailleurs qu'un tel document soit divulgué aux parents). Impossible pour le spectateur de se positionner à ce point du récit sans préjugés. La suite sera assez forte dans la confirmation de cette ambigüité troublante, car le film montre finalement très peu de violence physique. C'est clairement en revanche de l'intimidation et de la violence psychologique donc fait preuve le père qui créeront la pression au long du récit. Mais pourquoi cette violence ? Il est répété que la mère refuse tout contact avec le père, ment et fait mentir continuellement ses enfants pour ne pas avoir à lui parler directement et fait tout pour annuler purement les droits de visites du père. Et son fils, toujours intimidé par son père et ses effusions démonstratives d'impuissance ou de colère, maintient lui aussi l'absence de dialogue. Tout en espérant de la bonne volonté de sa part. Le personnage du père, sans excuser sa grande jalousie qui sera la principale source de ses comportements harceleurs, se retrouve alors continuellement piégé, sa gentillesse et sa sincérité se heurtant toujours au mur du refus de dialoguer de ses proches. Alors qu'ils cèdent tous devant l'intimidation. Et ainsi recommence continuellement la spirale vicieuse du dialogue qui en revient toujours à la force de caractère.


Le film est en lui même assez classique, c'est un drame social à la française qui prend le temps de poser ses personnages et qui se sert du quotidien pour planter un profil psychologique de chacun. Les interprétations d'acteurs et d'actrices sont en revanche de très bonne qualité, en particulier pour le père et le fils. L'effet buzz du film vient surtout de ses 20 dernières minutes, celui ou le drame bascule dans le thriller sans prévenir (dans le genre maousse, on retrouverait presque des codes de Haute tension). Oui, on spoile un peu, mais on ne le voit pas venir même en étant au courant, et quand on le sait... ça ne change rien à l'immersion dans la situation. On regrette quelques séquences où le réalisateur a laissé la caméra tourner, mais globalement, on note l'investissement et l'effort d'efficacité tout au long du film (le désamorçage de l'accident démontre de cette volonté de sortir des clichés du drame classique). Un film surtout salutaire pour son absence de jugement et sa grande objectivité de ton, même si la fin tranche hélas un peu (c'est là aussi une facette du fait divers). Un portrait fourni sur les dysfonctionnement d'un couple à différentes échelles (la fille est sans doute le personnage le moins intéressant, se contentant de tomber enceinte avant de fuir avec le premier jules venu), qui apporte beaucoup de matière à son sujet, sans vraiment lancer un débat.

Voracinéphile
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2017 et Les polémiques de Vora

Créée

le 10 déc. 2017

Critique lue 2K fois

13 j'aime

21 commentaires

Voracinéphile

Écrit par

Critique lue 2K fois

13
21

D'autres avis sur Jusqu'à la garde

Jusqu'à la garde
blacktide
8

Dans le silence de la loi

Il est des premiers films qui marquent le cinéma par leur intensité. Des films qui vous happent par surprise. Pour le plaisir du geste, et pour l’émotion à l’impact. Jusqu’à la Garde n’est pas...

le 1 févr. 2018

84 j'aime

24

Jusqu'à la garde
Velvetman
8

Loveless

Par sa mise en scène dans laquelle l’image se fait froide et déstabilisante, Jusqu’à la Garde de Xavier Legrand se mue en un immense morceau de cinéma. Déroutant car complexe, le film se veut être...

le 7 févr. 2018

80 j'aime

7

Jusqu'à la garde
voiron
8

Critique de Jusqu'à la garde par voiron

Le couple Besson divorce et se bat pour la garde de leurs deux enfants. Ou plutôt pour celle du plus jeune, Julien, puisque sa soeur a bientôt dix huit ans.. Pour protéger son fils Julien d’un père...

le 18 févr. 2018

69 j'aime

13

Du même critique

2001 : L'Odyssée de l'espace
Voracinéphile
5

The golden void

Il faut être de mauvaise foi pour oser critiquer LE chef d’œuvre de SF de l’histoire du cinéma. Le monument intouchable et immaculé. En l’occurrence, il est vrai que 2001 est intelligent dans sa...

le 15 déc. 2013

99 j'aime

116

Hannibal
Voracinéphile
3

Canine creuse

Ah, rarement une série m’aura refroidi aussi vite, et aussi méchamment (mon seul exemple en tête : Paranoia agent, qui commençait merveilleusement (les 5 premiers épisodes sont parfaits à tous les...

le 1 oct. 2013

70 j'aime

36