Jusqu’à la garde est une œuvre dense, brute, compacte, à l’image du personnage interprété par Denis Ménochet dont la colère contenue irradie l’écran et empoisonne l’atmosphère du film.
Il est la figure du patriarche tout-puissant, projetant son ombre massive sur ses sujets contraints à la docilité par la force implacable et imprévisible qui l’anime : je vous aime, et je peux vous détruire. Il a l’œil buté de celui qui détient la certitude tranquille qu’il domine, et la morale viciée de ceux qui ne savent plus obtenir que par la force, et ne trouvent de légitimité et de réconfort que dans la crainte qu’ils inspirent.
Le sujet, délicat, est traité avec une grande justesse. Xavier Legrand a su retranscrire à l’écran (et avec des acteurs exemplaires) une violence omniprésente sans jamais la montrer, il a su illustrer la progression en funambule des protagonistes sans tomber dans un sensationnalisme ou un pathos vulgaire. L’escalade est palpable, et pourtant le doute quant à la nature de la situation subsiste : père abusif ou bafoué ?
Finalement, on s’aperçoit que l’auteur est parvenu à tracer en très peu de mots le portrait d’un personnage dont les accès de colère incontrôlables s’alimentent du rejet de ceux qu’il aime, qui s’alimente du danger qu’il représente, etc. Il n’y pas de morale, juste un homme intelligent et imprévisible, le plus dangereux des prédateurs.