Lion d'argent de la meilleure mise en scène à la Mostra de Venise ainsi que prix du meilleur premier film, le long métrage de Xavier Legrand n'est pas passé inaperçu. Déja remarqué il y a quatre ans avec Avant que de tout perde, nommé à l'Oscar du meilleur court métrage en 2014, le réalisateur signe une suite avec Jusqu'à la garde et réunit quasiment les mêmes acteurs.
Le film s'ouvre sur une rencontre entre les deux parents divorcés chez le juge qui se disputent la garde des enfants. Cette première séquence, d'une bonne quinzaine de minutes, nous laisse sans voix par sa froideur. Ce sont les avocats qui parlent et qui se battent à la place de leur client. Le père est alors montré comme un mari violent. Cependant, le réalisateur nous manipule habilement et nous fait douter des horreurs qu'on reproche au père. Le physique de Denis Ménochet (parfait en père meurtri) pourrait coller à merveille à cet homme violent. Mais Legrand nous montre au début un grand enfant brisé, rabaissé lorsqu'il était petit, qui tente à tout prix de voir son fils et sa fille. On le prend d'abord en pitié mais notre regard va radicalement changer au fur et à mesure du film et ce dernier va se révéler être un père et un mari tout aussi brutal que possessif.
L'histoire va vite basculer dans l'horreur. Le fils Julien va alors se retrouver pris au piège entre ses deux parents, contraint de se rendre le week-end chez son père. La mise en scène met soigneusement en valeur cette tension entre le père et le fils, particulièrement dans les scènes à l'intérieur de la voiture. Celles-ci, où se mêlent de manière contrastée le silence des individus et les sons bruts de la vie quotidienne, ramènent le spectateur à son propre malaise face à la situation tendue. Les bips crescendos de la voiture traduisent très bien ce stress grandissant. Legrand crée alors du suspense et joue sur les émotions du spectateur : va t-il frapper son fils ? Va t-il rester calme ? On passe de la peur à la tristesse, on est même tentés de quitter la salle tellement l'atmosphère est oppressante. La fête d'anniversaire est particulièrement angoissante et joue à merveille avec le visible et le non visible. Cela accroît le stress du spectateur.. Le film se transforme alors en thriller et tombe dans l'horreur jusqu'à la dernière minute.
D'une violence réaliste, Jusqu'à la garde émeut et terrorise. Pour son premier long métrage, Xavier Legrand traite le thème du divorce à travers le regard du fils Julien et montre la brutalité (extrême) d'un homme désespéré, à la manière de Jack Torrance (Jack Nicholson) dans Shining. Le spectateur se sent alors aussi emprisonné que la mère et ses enfants. Outre Léa Drucker, qui campe à merveille cette mère angoissée, c'est bien sur Thomas Gioria, très prometteur, qui crève l'écran par son interprétation émouvante du fils, et qu'il faut suivre de très près.