L'adaptation est un exercice artistique délicat, mais avec un juste équilibre entre bonne lecture de l’œuvre originale et audace créative, cela peut devenir une œuvre à part entière.


Comme beaucoup des pièces de Jean-Luc Lagarce, pour par dire toutes, JUSTE LA FIN DU MONDE est un texte percutant, un reflet riche et subtil de notre société. Dans ce texte il est question de rôles et de liens familiaux, d'incommunicabilité. C'est avant tout une tranche de vie touchante portée par l'intelligence d'écriture de Lagarce. Xavier Dolan a saisi toute la finesse de ce récits et de ses personnages.


Les cinq protagonistes de ce huis-clos sont tous extrêmement intéressants.
Louis, dramaturge reconnu, est rongé. Il veut, mais ne peut, renouer avec sa famille qui ne semble pas avoir accepté son homosexualité, mais qui semble aussi couver un complexe d'infériorité ou de disparité quant à la réussite professionnelle de Louis. Il est revenu parce qu'il est malade, qu'il va mourir, qu'il est temps de leur dire, mais pas seulement. Il faut passer outre les rancœurs. Gaspard Ulliel est excellent dans ce rôle aussi plein de pudeur que de détermination.
Martine, la mère grandement campée par Nathalie Baye, cache de profondes craquelures sous son vernis exubérant. Elle cherche a réinstaller la paix dans sa maison, si ce n'est pour le pardon au moins pour la quiétude familiale.
Antoine, l'aîné, est brutal. A force de contenir ses dissentiments et sa colère, il bouillonne et devient plus qu’irritable. Vincent Cassel apporte toute l'ambivalence de ce rôle aussi violent que blessé, probablement un de ses plus grands rôles.
L'ardente et fragile Lea Seydoux était faite pour rencontrer le cinéma de Xavier Dolan. Étrangement elle est convaincante dans ce personnage aux antipodes de son vécu et de ce qu'elle dégage. Avide d'évasion elle admire son frère auteur autant qu'elle a besoin de trouver sa propre place et se construire par elle même.
Si l'incommunicabilité règne, les maux se font ressentir chez tous les membres de la famille. Parfois l'entendement total ne peux venir que de l'extérieur; Catherine incarne ce discernement. Marion Cotillard est magnifique de sensibilité.
Les cinq comédiens diffusent parfaitement le sous-texte des silences et des paroles futiles. Le malaise des retrouvailles se conjugue par des discussions et un ton superficiels qui vont (se) tendre vers une profondeur qui va libérer les non-dits et les ressentiments; le jeu évolue en parfaite harmonie avec ces enjeux du récit.


Pour ce qui est de la mise en scène Xavier Dolan reste fidèle à son univers. Les costumes et le décors sont vintages, mais c'est beau, ou l'art de trouver l'esthétique dans le kistch. C'est d'ailleurs aussi vrai dans la sélection musicale. Le jeune québécois nous a habitué au mélange des styles et des références. Cela fonctionne encore ! Les scènes musicales, la toute dernière en particuliers, s'inscrivent dans l'ambiance et le sens du spectacle de Xavier Dolan, avec souvent un ressenti assez magique.

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le 23 sept. 2016

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Adam Kesher

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