Du regretté Takahata, maître discret de l’animation japonaise on retiendra quelques-uns des films du genre les plus touchants tels que Le Tombeau des lucioles ou Le Conte de la Princesse Kaguya (pour ne citer qu’eux). Pour autant ces chefs-d’œuvres ne devraient pas éclipser d’autres films du cinéaste, peut-être plus modestes mais tout aussi passionnant. Kié, la petite peste est de ceux-là.
Adapté du long manga éponyme d’Etsuji Haruki, le deuxième film d’Isao Takahata constitue en quelque sorte la matrice de l’œuvre de ce dernier. Le film suit le quotidien de Kié, petite fille au caractère bien trempé vivant dans le quartier populaire de Nishinari-ku à Osaka, se dépatouillant au sein d’une foule de personnages bigarrés en particulier ses parents séparés depuis peu.
Tout ou presque est là. L’aspect tranche de vie de Mes Voisins les Yamada, l’humour grivois de Pompoko et surtout le thème central de Takahata : celui de l’enfant en prise à la dureté du monde adulte. Le titre de Kié, la petite peste est au fond assez injuste, tant celle-ci apparaît au final comme étant le personnage le plus mature de ce monde surtout en comparaison de son père, brute bagarreuse, irresponsable et totalement cartoonesque.
Malgré le sérieux des thématiques et la peinture réaliste du mode de vie des habitants de ce quartier (un des plus pauvres du Japon) le ton donné est celui de la légèreté et du burlesque, matinée d’une certaine nostalgie. Pour un peu, pourrait y voir le pendant dessiné des films de Chaplin ou de L’Or de Naples de De Sica. L’esthétique participe d’ailleurs grandement à cette impression, tant le dessin dirigé par Yoichi Kotabe et Yasuo Otsuké se fait ici très cru voir caricatural (grosses têtes, grandes oreilles…) comme pour épouser la sauvagerie ambiante. En outre, les connaisseurs apprécieront l’usage de l’accent des habitants de la région ancrant d’avantage la fiction dans le milieu.
Comme pour les futurs films de Takahata, il n’y a aucun manichéisme dans Kié : chaque personnage même les plus horripilants finit par dévoiler ses failles et ses faiblesses et même ceux qu’on présente comme de terribles yakuzas finissent par devenir aussi doux que des agneaux.
Cette naïveté assumée qui ne peux sans doute marcher qu’en animation trouve son corolaire avec les chats, dans ce film, anthropomorphes et particulièrement portés sur leurs boules dont l’arche narratif servira de climax très western-spaghetti au film.
S’il n’est pas aussi marquant et abouti que les œuvres à venir de Takahata, Kié, la petite peste constitue cependant une petite perle prometteuse et le portrait touchant d’une certaine époque.
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