Kiki la petite sorcière par HuangFeihong

Une jeune fille vêtue sobrement aux couleurs de l'environnement qui l'entoure écoute sa radio allongée dans cette immense étendue prairiale, l'esprit emportée par le bruissement de la brise marine sur la végétation et le vol d'une abeille; pourtant....elle semble avoir pris une décision : cette petite fleur à deux jambes va elle aussi être détachée de sa racine et se laisser porter par le vent.

Ce n'est plus un secret pour personne mais je vais le préciser une énième fois que j'adore le cinéma japonais et spécialement le post-80 pour tous ses récits de jeunesse qui m'ont fait rêver et permis de découvrir un genre que j'affectionne tout particulièrement : la tranche de vie; ces récits du quotidien sublimant l'ordinaire, le sans conséquence, et capable de discerner la grandeur des petites choses dans les gestes et aventures du quotidien. Ce n'est pas un hasard si parmi mes films d'animation favoris je place en tête de gondole des œuvres telles que Si tu tends l'oreille ou bien Souvenirs goutte à goutte et en dehors du studio le chef d'oeuvresque Shin Chan: The Adult Empire Strikes Back qui aura un jour le succès qu'il mérite tant.
Quand je tente d'expliquer à mon entourage que je prends plus de plaisir à voir un(e) jeune adolescent(e) éplucher des patates plutôt qu'une jeune fille vivant d'incroyables aventures dans le monde des esprits bah c'est difficile de me faire comprendre...

Du coup ouais Kiki la petite sorcière a comblé toutes mes attentes et je le place au milieu de mes Ghibli favoris!
Kiki elle est sans conteste mon héroïne favorite avec la petite amoureuse de lecture chez Yoshifumi Kondo. On est loin mais tellement loiinnnn de ce personnage sans âme qu'est Mary dans cette horreur du Studio Ponoc qui n'arrive même pas à la cheville de notre petite sorcière à la robe noire.
L'empathie est immédiate pour cette jeune fille et dès cette scène introductive j'étais persuadé de l'aimer mais alors ce background qui prend carrément à contre pied ce qu'on attend habituellement d'une œuvre sur la sorcellerie, je suis tombé immédiatement sous son charme !
Comment garder son incrédulité face un petit bout de chou qui décide de monter son service de livraison à califourchon sur son balai, pitié y'a des gens qui sont insensibles à ça ?? Si c'est pas l'idée la plus mignonne qui soit!

Comme toujours Miyazaki et son équipe sont aux petits soins pour nous concocter un monde tangible et vivant auquel tu crois immédiatement dès que Kiki pose les pieds. Un passage d'une critique sur Mary et la fleur blabla me revient qui disait qu'il avait l'impression d'être à l'extérieur d'une boulangerie à la devanture succulente mais là le réalisateur te dit "pas touche! Bave bien devant ! et puis de toute manière ce sont des décorations en plastique ça n'a aucune saveur" , ce n'était pas tout à fait ce que la personne disait mais c'est le sentiment inverse que j'ai ressenti sur le Miyazaki : un véritable point d'honneur à mettre en animation une ville cosmopolite faite de gens très différents aux personnalités diverses, de nombreux secteurs d'activités et où il fait bon vivre dans des décors merveilleux, on est carrément dedans!
Le film a une direction artistique pour les décors qui participe grandement à l'émerveillement que l'on éprouve. Quand Kiki ouvre sa carte certains lieux font référence à l'Etat de Hawaii mais en terme d'architecture ça sonne très européen quand même. L'époque est difficile à définir tellement tout se mélange, une imagerie idéalisée se déploie avec une palette de couleur faisant la part belle à la beauté des verdures ou de l'azur du ciel et de l'océan.
Et que penser de Kiki qui salue sa grand mère en effectuant une révérence ? mais on est à quelle époque et où surtout??

Les personnages rencontrés sont mémorables, ont tous ce petit quelque chose qui fait qu'après visionnage tu penses encore à eux et que tu meurs d'envie que Kiki passe les voir régulièrement.
Petite fille arrogante, femme de ménage qui a soif d'action, artiste, artisan (peut-on faire un rapprochement avec la genèse du film?) ...etc tous participent à la progression du personnage et à son entrée dans le monde de l'adolescence. L'aventure est des plus naïves, pas de grands méchants ici mais seulement une petite fille innocente trop bien couvée par papa et maman et qui va finir par couper le cordon (ou le balai ! ) pour avancer.

En terme d'animation je n'ai rien à lui reprocher, les phases de vol sont....sublimes. Elles ont de la physique, du poids et des mouvements chancelants. Quand Kiki rate son premier décollage c'est une indication sur sa capacité à manier son balai qui sera utilisé/adapté en fonction des circonstances : charge trop lourde à transporter, utilisation de l'architecture pour manœuvrer, entrée fracassante au milieu des voiture ...etc On savait Miyazaki très à l'aise quand il s'agit d'animer des Aéronefs bah c'est pareil avec un balai brosse ! Et pis sans le voir limite tu sentirais la brise du vent sur ton visage (quand Kiki rentre en pleine nuit et que devant elle se déploie toutes les lumières de la ville j'avais envie de m'aérer l'esprit moi aussi).

Alors oui le grand final m'a semblé un peu expédié mais y'a t-il vraiment une fin? le plus beau cadeau dans ce genre de film ce sont les épilogues comme celui-ci où la vie continue pour tout le monde même une fois la télé éteinte ....

Par contre j'ai lu que Sunao Katabuchi était à la base en charge du projet et que comme d'habitude le Miyazaki il est jamais content et s'est ensuite chargé de la réalisation. Quand tu vois son travail pour le studio 4°C j'aurais bien aimé voir la gueule de ce qu'il avait imaginé pour Kiki, je suis persuadé que ça devait être super.

Allez n'ayons pas peur des mots : c'est mon Miyazaki favoris (mais je serai éternellement de la team Takahata).