Petite mise à jour 10 années après ma première lecture.
Ici Texte de 2014
La note est accessoire, seuls les deux premiers tomes ont pu être traduit en français en version numérique (toujours pas licenciée en France...), donc je note essentiellement le premier Arc qui se termine au chapitre 21 du tome 3.
Hitoshi Iwaaki je le connais surtout pour son One Shot Eureka que j'avais très apprécié malgré des défauts dû à son format qui l'empêchait d'approfondir son récit comme il se doit.
En lisant Historie, j'avais cette impression qu'Eureka n'était finalement qu'une tentative d'essai, d'un brouillon dans le genre fiction/historique, tant ici on atteint un aboutissement que ce soit dans son trait ou dans la maîtrise de sa narration.
Son précédent manga avait des dessins très simples, parfois grossiers dans l'expression des personnages (voir le strabisme assez prononcé de Hannibal...), mais malgré tout, avec suffisamment de recherche dans le background, que ce soit les costumes, les armes, les décors, pour rendre le tout super agréable à lire et très enrichissant.
En seulement 3 ans, on constate une vraie maturité dans son style, son trait reste épurée, aéré, simple, les personnages classiques mais pourtant ô combien charismatique et expressif, les visages sont beaucoup plus nettes, et puis il s'autorise même quelques partis pris esthétiques chez certains personnages, très original vu ses précédents œuvres http://image.noelshack.com/fichiers/2014/40/1412441285-16-17.jpg.
Cette simplicité dans les personnages se trouvent ici http://image.noelshack.com/fichiers/2014/40/1412512362-01.jpg, mais pourtant ce trait simple est toujours allié à une recherche extrême dans le background comme dit précédemment, ce qui fait qu'on se retrouve souvent avec des pages d'une beauté à couper le souffle http://image.noelshack.com/fichiers/2014/40/1412441279-08-09.jpg, avec des décors hyper travaillés et pleins de vie.
Le plus incroyable ça reste la maîtrise de son récit, on a l'impression que rien n'est là gratuitement ou que rien n'est laissé au hasard, tout aura un impact dans les chapitres ou les tomes à venir, parce qu'il aime jouer avec son personnage principal, le type porte un amour considérable à Eumène de Cardia, alors même si la majorité des faits concernant son enfance sont fictifs, il y a derrière une véritable richesse Grecque super intéressante à découvrir.
Et c'est quand même dingue la description qu'il te fait de ce gosse en seulement deux volumes, je ne me suis jamais autant attaché à un enfant que dans ce manga, et puis il est bourré d'expressions faciales qui font que t'es obligé de te rapprocher de lui.
Il prend son temps pour le développer, ce qui fait que l'émotion ressenti n'en est que plus vraie et émouvante, qui n'a pas eu les yeux humides au vu de la page 25 du chapitre 19, c'est quelque chose qui s'accumule depuis le début de l'oeuvre, lentement mais surement pour ensuite t'exploser à la gueule, c'est juste parfait quoi, y'a aucune gratuité, c'est maîtrisé d'un bout à l'autre, c'est de l'émotion pure et dure.
Les flashbacks, les rêves, la violence et l'horreurs de ceux ci, tout aura une importance par la suite et je trouve ça ultra fascinant.
Historie, en seulement deux tomes et 2 chapitres, je trouve ça ultra ambitieux et généreux, c'est intéressant (j'ai adoré toute la partie sur le sport bien que trop courte), jouissif, émouvant, jamais chiant, c'est un très très grand début, en espérant que ça ne se relâche pas par la suite.
Mise à jour après lecture des 12 tomes disponibles:
L'autre critique sur cette page écrite entre temps synthétise tout ce que j'apprécie dans Historie et chez ce mangaka donc j'espère ne pas répéter bêtement ce qui a déjà été dit.
Comment résumer ma lecture de ces 12 tomes étalés au bas mot sur 10 années? En un mot : frustrante.
Historie va malheureusement rejoindre ces œuvres à l'état embryonnaire qui avait tout pour figurer parmi les plus grands et ne sera finalement qu'un doux rêve face aux écueils d'ordre médical dont s'est malheureusement heurté Hitoshi Iwaaki.
D'après un message laissé par l'auteur l'année dernière sur les RS il doit face à un saignement de la rétine et d'une paralysie partielle de son bras dominant (entre autres problèmes), ajoutez à ça le rythme de parution en dents de scie et un dernier tome qui confirme que nous sommes à la fin d'un cycle et ça ne laisse espérer rien de bon quant à une possible suite.
De ce fait quel éditeur serait assez fou pour publier un manga condamner à ne jamais avoir de suite? C'est malheureux mais je ne leur jette pas la pierre....
Finalement le seul gros défaut de ce titre c'est sa parution et ça explique sans doute mon ressenti mitigé à la lecture des tomes 5 et 6 qui remontent à pas mal de temps mais m'ont laissé le goût d'un récit qui piétinait légèrement bien loin des sentiments multiples que m'ont procuré les tomes 1 à 4. C'est loin d'être mauvais et sans doute qu'une lecture moins espacée m'aurait permis de mieux apprécier cette partie. De toute évidence c'est sans compter sur l'auteur dont le sens de la composition et de la structure scénaristique lui permet de toujours retomber sur ses pattes.
C'est en relisant dernièrement Parasite que je me suis aperçu quel grand scénariste était Hitoshi Iwaaki, chose qu'il confirmera dans le manga Reiri où il occupera seulement la place de scénariste pour des raisons de santé sans doute?
Historie est un manga vraiment audacieux et je pense qu'il faut avoir une confiance sans pareille en ses capacités pour dérouler une telle épopée. Je ne peux pas imager à quel point il faut se creuser les méninges pour broder une fiction qui tient la route tout en collaborant avec l'Histoire, celle du développement du Royaume de Macédoine et de la naissance d'un futur Roi.
Oui Hitoshi Iwaaki joue souvent avec la réalité des faits et pourquoi pas après tout? d'autres bien avant lui ne s'accordaient pas sur la pertinence de certains faits historiques et certaines parties tiennent plus de la légende, ce dont s'est notamment servi Alexandre à des fins politiques.
Si ça peut en rassurer certains, non le récit n'atteindra jamais la fantaisie d'un Eureka, l'auteur joue avec certains points de la réalité pour mieux articuler son récit mais rare sont les éléments qui vous feront lever les yeux au ciel de consternation.
Seul le traitement de Alexandre et Héphestion intégrant la personnalité du futur Roi reste une modification incompréhensible... Le mangaka n'avait rien à dire dessus? Ou il avait peur qu'il fasse de l'ombre à Eumenès? Aucune idée, toujours est-il que c'est la seule véritable débilité du titre.
Malgré de nombreuses modifications il reste toujours fidèle à l'Histoire et à cette toile de fond antique minutieusement mise en image par le mangaka.
On ne s'étonnera pas par exemple dès le départ d'avoir l'enfance fantasmé d'un Eumenès issus d'un des peuples nomades de cette période : les Scythes. Sa lignée, son statut (qui changera à de nombreuses reprises) le milieu dans lequel il évolue sont les vecteurs de sa personnalité très riche et ça rejoint une des grosses thématiques déjà abordée dans Parasite.
On s'étonnera surtout de voir Aristote écrit d'avantage comme un médecin que comme le philosophe ou la percepteur d'Alexandre le Grand. C'est comme si Hitoshi Iwaaki avait remodelé le penseur Grec pour qu'il colle plus avec ce qu'était son père.
Des anachronismes, il y en a (de tête le jeu d'échec, les étriers précurseurs, la RCP que pratiquera Aristote entre autres) mais c'est toujours à dessein que ces modifications sont effectués tout en s'écoulant naturellement, sans prise de tête, l'Histoire avance et avec elle la fiction ou les petites fictions imaginées par le mangaka. Je pense que c'est la plus grande qualité de l'œuvre, sa sobriété est une véritable force et c'est ce qui revient dans la majorité des critiques.
Certains choix alimentent même les nombreux débats qui ont enflammés les historiens de l'époque : les modifications audacieuses effectuées par le mangaka en toute connaissance de cause sont juste grisantes d'un point de vue intellectuel.
En revenant sur certains volumes, notamment un fameux chapitre du volume 7 dont la tonalité "fantasmagorico-Hélléniste" tranche avec le reste de l'œuvre dont il était difficile de saisir l'essence à cause surtout d'une publication chaotique à même finit par faire sens, Hitoshi Iwaaki faisant sien la légende entourant la naissance de Alexandre qui le lierai à Zeus notamment.
Scénaristiquement le manga est d'une prouesse difficilement égalable. Le mangaka gère à tous les niveaux, chaque élément faisant partie d'un grand tout, adaptant sa narration, son traitement visuelle en fonction de ce qu'il veut transmettre.
L'exemple le plus parlant c'est cette première grande bataille de Byzance qui a un traitement des plus singuliers : rien de graphique ici, rien de grandiloquent, les forces macédoniennes peinent à assiéger la cité à cause de plusieurs facteurs (géographique notamment) et la majeur partie du combat se déroule du point de vue de Eumenès et de Phillipe 2 qui y participent d'un point de vue élevé et donc neutre. Ce qui tranche complètement avec la bataille suivante, celle de "Chéronée puisque le mangaka décide d'adopter le point de vue de Alexandre, plus intéressant sur un champ de bataille qu'avec sa trousse de maquillage et le déifie en empruntant à la tradition historique qui veut qu'il se soit jeté le premier sur l'ennemi Thébain. C'est très graphique, renouant avec la signature du mangaka qui est d'intensifié des moments décisifs par un coup de crayon plus détaillé qu'a l'accoutumé, n'oubliant par que l'auteur a été une influence majeur dans la popularisation du Body-Horror dans les manga.
Plus qu'un simple traitement graphique propre à choquer, il permet aussi de donner une réponse à un sujet complexe qui animait le monde Grec via le volume 12 et son incroyable double page sanguinolente.
Les stratégies mis en place sont limpides, les batailles à grande échelle sont peu nombreuses mais sont d'une lisibilité académique tant les explications accompagnées de carte et de schéma explicatifs permettent au profane de s'y retrouver. C'est peut-être le béaba d'un bon récit militaire il faut dire que je n'en lis pas beaucoup en manga mais ça fait plaisir d'assister à un affrontement de masse en sachant où chaque troupe est disposée, quel est leur rôle, dans quelle direction elles vont etc...
Tout fait sens dans Historie (même un gros twist vers la fin du vol 12 qui devrait ou aurait du amener le récit dans une direction intéressante), la sobriété dont fait preuve l'auteur est sublime, le lore est riche, les "intrigues de cours" haletantes, les personnages sont soignés et dieu sait qu'ils sont nombreux et il se paye même le luxe d'y intégrer une histoire d'amour qui fonctionne et qui ne peut que subir les remous de l'Histoire pour ramener le récit sur des rails dont il ne peut pas s'extirper.
Historie c'est grand, ambitieux et paradoxalement d'une sobriété qui n'a son pareil que chez les grands auteurs de tranche de vie comme Minetaro Mochizuki dont l'utilisation du blanc et l'épure de sa mise en scène n'ont que peu d'égal.
C'est juste impressionnant de voir un auteur passant de récit intimiste (Parasite ou Tanabata se déroule dans un univers limité à quelques décors) à une épopée grandeur nature avec une pareille aisance.
Malheureusement la suite ne sera qu'arlésienne à moins que le mangaka confie le dessin à quelqu'un d'autre mais ça serait dommage tant le traitement graphique fait aussi partie de ce qui fait la richesse de Historie.
Le volume 12 me donne l'impression (peut-être à tord) d'avoir été remanié pour se finir sur celui-ci au cas où la suite ne verrait pas la jour. C'est vraiment un sentiment prégnant que je n'ai pas eu sur les tomes précédents. Le tome est génial attention mais plusieurs éléments d'intrigue sont expédiés et présentés sous la forme d'un "résumé des évènements", chose qui est assez inhabituelle. Et puis surtout pas de nouveau chapitre depuis la sortie de ce volume il y a un an j'ai l'impression... c'est mal parti si vous voulez mon avis.
En plus l'auteur effectue un virage à 360 degrés concernant un fait historique qui ne peut pas être laissé en suspens comme ça, c'est plutôt wtf mais je peux imaginer vers quoi ça va se diriger au vu des dialogues qui accompagnent cette scène, pourquoi pas finalement.
J'ai baissé ma note à 8 mais comme j'aurais pu mettre 10 ou 7, c'est un grand manga, un de mes favoris, mais la déception l'emporte malgré tout.