"... Mais je dois dire que j'ai aussi un certain respect pour toi."
Quentin Tarantino est un réalisateur intelligent. Ne vous fiez pas aux apparences d’un film de « bastons » où l’héroïne, une grande blonde, est guidée par sa soif de vengeance, motif battu et rebattu par tous les réalisateurs qui ont essayé de faire des films de combat.
Tarantino joue sur les genres cinématographiques et sur l’excès des clichés. La preuve en est du choix des acteurs : Quoi de mieux que Uma Thurman, qui incarnait l'innocente Cécile de Volanges dans Les Liaisons Dangereuses, pour interpréter la mystérieuse et revancharde Black Mamba, grande, blonde, maniant le sabre et conduisant une moto dans les rues de Tokyo ?
Ce premier volet de Kill Bill dévoile tout le côté iconoclaste du réalisateur.
Il choisit Lucy Liu pour interpréter le cliché de la femme asiatique maîtresse des arts martiaux, comme pour parodier son rôle de « drôle de dame ». L’exemple du choix de l’actrice japonaise Chiaki Kuriyama pour le rôle de Gogo illustre aussi cette idée. En effet, véritable icône au Japon Chiaki Kuriyama est notamment connue pour son rôle de Takako Chigusa dans Battle Royale, une jeune lycéenne sanguinaire et sadique assoiffée de sang. Le rôle de Gogo en est une parodie. C’est en jouant sur les clichés des rôles que Tarantino produit une œuvre intéressante.
Plus que la mise en scène de ces clichés exagérés, c’est le décalage entre ceux-ci qui élève le film au-delà du simple film de combat, le tirant vers la parodie du genre. Parlons dans un premier temps des flaques de sang, pardon, des océans de sang que font couler Black Mamba et O-Ren Ishii (Lucy Liu). La vraisemblance des premières scènes peut paraitre brutale mais l’effet faux sang et poches de ketchup nous rassure (si je puis me permettre). Nous pouvons nous demander pourquoi Tarantino a rendu flagrant l’une des plus grosses farces et attrapes du cinéma. Et bien c’est encore une fois pour décrédibiliser le genre et amener le film à la frontière de sa parodie.
La B.O participe également au décalage entre la scène représentée et sa réception par le spectateur. On peut par exemple évoquer l’utilisation de l’introduction d’ « Ironside » de Quincy Jones (une sorte d’alarme) à deux reprises lors d’un gros plan sur le regard de Black Mamba alors qu’elle fixe Vernita Green et Sofie Fatale avant de les attaquer, ce qui place ces scènes dans la catégorie des clichés. Le décalage entre musique et action. Ne pensez surtout pas qu’il s’agisse d’erreurs de la part de Tarantino, c'est bel et bien un effet recherché sur la réception et l’appréciation du film.
Rassurez-vous, fans de Kill Bill, je ne limite pas cette œuvre au détour astucieux de clichés. En effet ce qui permet au film de ne pas tomber dans son « auto-parodie », c’est bien son intrigue. On ne connaît rien du personnage principal si ce n’est son nom de code et le massacre de ses noces. Pourtant tout cela nous semble justifier son plan de vengeance, même le fait qu’elle tue une de ses rivales sous les yeux de sa propre fille. Nous pouvons craindre la fureur de Black Mamba mais nous avons tout d’abord de la pitié pour elle, par le fait qu’elle eût été enceinte le jour de son agression qui laissa place à quatre années de coma.
Je persiste à dire que ce premier volet de Kill Bill est un bon film, car Quentin Tarentino ne cesse d’osciller entre parodie du genre et expérimentation cinématographique. Le spectateur est pris au dépourvu entre suspense et rire.