Avec Kill Bill Volume II, Quentin Tarantino prend un malin plaisir à planter sa caméra où l'on ne l'attend pas, c'est le moins que l'on puisse dire. Le Volume I était virtuose dans sa violence qu'il magnifiait ? Le Volume II l'abandonne presque totalement, comme la caméra qui se recule de la chapelle érigée en lieu de massacre hors champ. En n'offrant plus qu'un combat, pourtant intense et bien méchant, entre notre mariée et son ennemie jurée Elle Driver.


La Mariée ? Implacable, destructrice, invulnérable, icône de la vengeance, elle n'aura pourtant jamais autant souffert que dans ce Volume II. Maltraitée par Pai Mei, fourrée au plomb par Budd, enterrée vivante et à deux doigts de mourir, Tarantino la descend du piédestal sur lequel il l'avait hissée dans le film précédent. Comme pour la rendre plus humaine, plus faillible, plus femme. Cette humanisation tend à relativiser ses exploits, comme le fait Bill qui révèle au détour d'une ligne de dialogue que les Crazy 88's était un nom de gang cool et rien de plus.


Lui rendre son nom, deviser dans un monologue puissamment tarantinien sur l'image et la condition de super héros, tout concourt à démythifier l'icône décrite dans le film précédent, tout en lui rendant sa véritable identité de mère trop longtemps séparée de sa fille. Car Kill Bill Volume II n'est avant tout, finalement, que l'histoire d'une femme qui s'inscrit dans une histoire d'amour qui finit dans les larmes et la rancoeur. Pas de climax spectaculaire, ni de duel au sabre pour la clore. Simplement une discussion sur les raisons de la séparation, de la fuite et de la colère. Et l'occasion de dépasser, pour le personnage de Bill, l'ombre menaçante et la voix faussement suave de la figure du mal dessinée par ses brèves premières apparitions. D'en faire, sous les traits d'un David Carradine magnétique, froid et charmeur, un salaud magnifique doublé d'un père aimant, le tout dans une influence Kung Fu des plus évidentes.


C'est donc dans un face à face pudique d'alter ego que s'inscrit la fin de ce Kill Bill Volume II, aussi déstabilisant en ce qu'il va à l'encontre des attentes violentes du public, que puissant dans la définition et la caractérisation de son duo amoureux qui se déchire, duo vivant, sous l'oeil du spectateur, sous forme de flashback leur union d'assassins.


La tournure dramatique du film fait du bien et lui offre d'autres perspectives, comme si Kill Bill Volume I avait rassasiée la soif de sang et de vengeance de son personnage principal, l'avait soulagée bien avant d'atteindre le numéro 1 sur sa liste des reptiles à éradiquer. Cet abandon de l'action pure, de cette exubérance spectaculaire, signe aussi un passage au second plan des influences du film de sabre et d'art martiaux au profit d'une chevauchée sur les terres et l'atmosphère chères aux westerns spaghetti de Sergio Leone, en compagnie de Budd, Elle Driver et de la BO d'Ennio Morricone.


Loin de hurler un "Kill Bill !" rageur par l'intermédiaire de sa mariée, Quentin Tarantino préfère livrer d'elle un très joli portrait d'une femme blessée et forte, fascinante et déterminée, qui figure désormais parmi les plus beaux personnages de sa filmographie, en ce qu'en seulement deux épisodes, sa Béatrix s'affirme, s'impose et s'accomplit finalement... Jusque dans son rôle de mère dont on l'a privée trop longtemps.


Un jour on l'appelle maman, et elle le reste toute sa vie.


Behind_the_Mask, qui joue de la flûte au coin du feu.

Behind_the_Mask
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Une année au cinéma : 2004 et Aux grands films, le cinéphile reconnaissant.

Créée

le 2 juil. 2016

Critique lue 692 fois

18 j'aime

3 commentaires

Behind_the_Mask

Écrit par

Critique lue 692 fois

18
3

D'autres avis sur Kill Bill - Volume 2

Kill Bill - Volume 2
Gand-Alf
9

Final cut.

A la sortie de la première partie du diptyque "Kill Bill", beaucoup ont reproché une certaine superficialité, un manque palpable d'émotion derrière le défouloir jouissif qu'offrait Tarantino. Pas...

le 14 nov. 2013

67 j'aime

1

Kill Bill - Volume 2
Velvetman
8

"Oh, Mommy, don't die. I was just playing"

Kill Bill est un monstre à deux têtes, une même entité faite de noir et de blanc, qui se détache de tout son corps par sa structure antagoniste. Kill Bill, premier du nom, exercice de style sanglant,...

le 11 janv. 2016

60 j'aime

3

Kill Bill - Volume 2
Grard-Rocher
8

Critique de Kill Bill - Volume 2 par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Après l'attaque du commando emmené par Bill et l'effroyable carnage provoqué par celui-ci, "La Mariée", alias "Black Mamba" , a commencé à assouvir sa soif de vengeance mais il reste encore de...

49 j'aime

18

Du même critique

Avengers: Infinity War
Behind_the_Mask
10

On s'était dit rendez vous dans dix ans...

Le succès tient à peu de choses, parfois. C'était il y a dix ans. Un réalisateur et un acteur charismatique, dont les traits ont servi de support dans les pages Marvel en version Ultimates. Un éclat...

le 25 avr. 2018

204 j'aime

54

Star Wars - Les Derniers Jedi
Behind_the_Mask
7

Mauvaise foi nocturne

˗ Dis Luke ! ˗ ... ˗ Hé ! Luke... ˗ ... ˗ Dis Luke, c'est quoi la Force ? ˗ TA GUEULE ! Laisse-moi tranquille ! ˗ Mais... Mais... Luke, je suis ton padawan ? ˗ Pfff... La Force. Vous commencez à tous...

le 13 déc. 2017

189 j'aime

37

Logan
Behind_the_Mask
8

Le vieil homme et l'enfant

Le corps ne suit plus. Il est haletant, en souffrance, cassé. Il reste parfois assommé, fourbu, sous les coups de ses adversaires. Chaque geste lui coûte et semble de plus en plus lourd. Ses plaies,...

le 2 mars 2017

181 j'aime

23