Klaus
7.7
Klaus

Long-métrage d'animation de Sergio Pablos et Carlos Martínez López (2019)

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Au commencement, il y avait un arriviste et un bûcheron

À l'occasion des fêtes de fin d'année, il peut être intéressant de revenir sur un long métrage d'animation inscrit dans la tradition des films de Noël, mais parvenu à se démarquer d'une formule pour le moins usitée grâce à ses qualités artistiques et un style visuel de toute beauté.


Santa Claus est sans conteste l'une des figures les plus emblématiques de notre imaginaire collectif, au point qu'un nombre incalculable de créations littéraires et filmiques lui aient été consacrées.


Parmi les exemples les plus emblématiques, nous pourrions citer "Un Chant de Noël" de Charles Dickens. S’ajoutent à cela bien d'autres productions plus ou moins dispensables diffusées en boucle sur les téléviseurs pendant les fêtes.
Certains ont parfois opté pour la désacralisation des bons sentiments liés à cette période, à l'instar de "Gremlins" de Joe Dante, dont l'intrigue prend place dans une petite ville profondément minée par la violence symbolique et les inégalités. Dans ce registre, comment ne pas citer "Le père Noël est une ordure"... Derrière ses accents de comédie potache emblématique de l'âge d'or du Splendid, le film aborde la question du suicide et de la misère sociale. On pourrait enfin faire mention de "L'Étrange Noël de monsieur Jack", qui choisit quant à lui d'hybrider décembre avec l'imagerie morbide d'Halloween, pour un mélange des plus détonants.


De prime abord, l'œuvre qui nous intéresse ici semble plus proche du film de Noël traditionnel et familial que de la seconde approche. "Klaus" s'apparente en effet à un long métrage d'animation on ne peut plus classique, destiné avant tout à satisfaire la curiosité des enfants désireux d'en connaître davantage sur ce personnage débonnaire, source de fascination et de questionnement, avant que survienne une désillusion assimilable à l'effacement d'un ami imaginaire et la disparition du merveilleux lors d'un processus qui n'est pas sans rappeler le désenchantement du monde conceptualisé par Marcel Gauchet.
Le long métrage de Sergio Pablos surprend par son côté cru, son ironie et son ton un tantinet mélancolique, sans pour autant aller jusqu'à nier la magie qui peut se dégager de la célébration de Noël. Il se donne au contraire pour objectif de réenchanter progressivement le quotidien de chacun.


L'histoire est à première vue une simple « origin story », inscrite dans une tendance désormais extrêmement répandue dans le milieu hollywoodien.
Toutefois, malgré une structure narrative assez prévisible, elle se distingue par le choix de mettre en scène une association improbable entre un esprit intéressé, calculateur et peu scrupuleux d’une part, et d’autre part un géant intimidant et taciturne.


Le premier, Jesper, est un fils à papa qui s'imagine que tout lui est dû et s'avère être le pire élève d'une école de facteurs renommée. Pour le confronter aux aspérités de la vie et le faire gagner en maturité, son père décide de l'envoyer sur une île particulièrement inhospitalière de la Scandinavie afin d'assurer la transmission du courrier. Il sera néanmoins difficile pour lui de mener à bien sa mission compte tenu des inimitiés entre les habitants du village, par conséquent davantage portés sur les noms d'oiseaux que l'envoi de cartes de vœux.
Notre protagoniste parvient cependant à rallier à ses côtés Alva, l'institutrice de l'île, ainsi que Klaus, bûcheron et menuisier jusqu’ici coupé du monde et retranché dans un chalet au sein duquel il confectionne des jouets artisanaux. Grâce aux services rendus par ces derniers et des enfants qu'il n'hésite pas à manipuler, Jesper parvient à monter une affaire relativement prospère avant que le cours des événements ne le contraigne à se confronter à ses responsabilités. C'est presque par accident qu'émerge finalement la célébration de Noël, telle une flamme venue illuminer les chaumières, apaiser les tensions entre voisins et redonner le sourire aux enfants.


Ce qui frappe tout d'abord à la vue de ce long métrage tient à sa direction artistique très réussie, résultante d'une alchimie savamment composée entre animation traditionnelle en 2D, effets de volume et gestion dynamique de la lumière, ce qui rend l'univers d'autant plus palpable. Bien qu'il repose sur des procédés à la pointe sur le plan technique, le film dégage un charme artisanal qu'il n'aurait guère été possible d'atteindre sans le savoir-faire de ses équipes. L'apparence des personnages est tout aussi soignée et les observer se mouvoir dans pareil environnement génère une réelle satisfaction pour le spectateur.
Le rendu est exceptionnel et atteste d'une volonté de se démarquer des standards imposés dans l'industrie par les petits génies de Pixar, bien trop souvent imités sans être égalés, au prix d'une uniformisation regrettable. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que "Klaus" ait été nominé aux Oscars américains du meilleur film d'animation pour l’année 2020, bien qu'il n'ait décroché aucune statuette.


L'œuvre atteint également un parfait équilibre en matière de registre. Cette comédie acidulée est en effet loin de se reposer exclusivement sur les bons sentiments et une naïveté que d'aucuns assimileraient à de l'infantilisation outrancière. Le long métrage s'adresse aux petites têtes blondes sans les prendre pour des imbéciles.
Le personnage principal est un arriviste animé d'intentions ambivalentes, qui va peu à peu se remettre en cause. Klaus est quant à lui un individu renfrogné, solitaire et dépressif. Son histoire et son évolution sont particulièrement touchantes.


La présence d'ingrédients tels que l'ironie et la mélancolie ne vient pas pour autant ternir la féérie qui se dégage peu à peu du long métrage au fur et à mesure que la magie opère.
N'hésitez pas à vous pencher sur ce joli conte de Noël si l'envie vous prend de vous replonger une nouvelle fois dans l’ambiance propre aux soirées passées auprès des feux de cheminée et au pied des sapins.

Wheatley
7
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le 23 déc. 2020

Critique lue 98 fois

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