Legendary Pictures retrouve Warner Bros. Pour continuer à bâtir son univers partagé de monstres après le Godzilla de 2014, c’est au tour de King Kong d’ être réintroduit avant une confrontation entre les deux créatures prévue en 2020. Comme pour Godzilla avec Gareth Edwards, Legendary fait confiance pour conduire ce blockbuster à 180 millions de $ à un réalisateur qui n’a qu’un film à très petit budget à son actif : Jordan Vogt Roberts. Saura t’il relever le défi de revisiter une telle icône même doté d’un solide casting. La réponse est OH QUE OUI !


En 1973 alors que la Guerre du Vietnam se termine, le film suit un groupe hétéroclite constitué d’un scientifique aux théories étranges (John Goodman), d’un aventurier anglais ex-soldat (Tom Hiddleston), d’une photographe de guerre (Brie Larson), d’un géologue (Corey Hawkins) d’une biologiste (Jing Tian) et d’une unité héliportée de l’armée menée par Packard (Samuel L. Jackson) chargé de les accompagner sur la mystérieuse Skull Island, l’un des derniers endroits inexplorés sur la Terre, officiellement pour une mission scientifique. Mais à leur arrivée sur l’île ils vont être confronté à Kong un gorille géant qui va s’avérer être un des habitants les moins dangereux de l’île. Afin de distinguer Skull Island des autres itérations du personnage, Jordan Vogt Roberts et ses scénaristes ont pris le parti-pris de mélanger le film de monstres à l’iconographie du film de guerre du Vietnam. Après une introduction située en 1944 en forme de clin d’œil à Duel dans le Pacifique de John Boorman, les premières minutes du film présentent les protagonistes de façon assez dynamique pour nous permettre de nous attacher à eux tout en nous plongeant dans une reconstitution fétichiste des seventies, du grain de l’image aux accessoires avec bien sur les indispensables standards musicaux d’époque.


Jordan Vogt Roberts a une approche résolument différente dans la gestion de ses créatures de celle de Gareth Edwards qui ne révélait son monstre que par petites touches au long du film jouant avec la frustration du spectateur. Skull Island dévoile sa vedette en pleine lumière au bout d’une trentaine de minutes dans une séquence absolument exaltante qui voit Kong décimer une escadre d’hélicoptères de combat. Kong version 2017 conserve la personnalité qu’on lui connait, il reste une créature sauvage qui, si elle peut apparaître sympathique par rapport aux autres monstres de l’île et semble avoir quelques inclinaisons pour le personnage de Brie Larson, n’hésitera pas à vous écraser si vous l’énervez. Vogt Roberts ne manque jamais de l’iconiser un maximum : chaque instant ou Kong est à l’écran est captivant, qu’il grignote sur un calmar géant ou affronte un monstre préhistorique vicieux en protégeant Brie Larson dans un clin d’œil au film de 1933. La plupart des autres créatures qui peuplent l’île sont révélées de la même manière chaque fois dans un cadre spécifique.


Le script de Max Borenstein (Godzilla) épaulé par Dan Gilroy (qui décidément après son intervention sur Rogue One est très en jambes) est un concentré de littérature pulp matérialisant à l’écran des créatures et des héros qui semblent sortir des illustrations des couvertures de Weird tales. Le mélange de film de guerre et de monstres est très efficace permettant de conserver l’intérêt y compris quand les créatures sont absentes. Le script maintient un équilibre constant entre le premier degré nécessaires pour imposer les enjeux du film d’aventures et un second degré parfaitement dosé car jamais envahissant. Contrairement à ce qu’on a pu lire Skull Island n’est nullement une prequel et même si elle enrichi sa légende, ce n’est pas non plus une « origin story » pour le King. Les éléments de l’univers partagé en construction s’intègrent parfaitement au film,sans jamais perturber le flux de la narration, mieux les liens avec la mythologie développé dans le film d’ Edwards enrichissent l’univers de Kong.


Vogt Roberts dirige parfaitement son prestigieux casting, chaque acteur incarne ici un archétype : le mystérieux aventurier pour Hiddleston, la femme photographe de guerre dans un milieu d’hommes pour Larson, le savant fou pour Goodman alors que Samuel L. Jackson endosse celui du chien de guerre charismatique n’abandonnant jamais ses troupes se muant en capitaine Achab décidé à détruire Kong pour venger ses soldats. Il les laisse pousser à fond leur jeu dans cet esprit de serial sans jamais tomber dans le ridicule, à raison car Samuel L.Jackson semble ici particulièrement impliqué. Le personnage de John C. Reilly qui faisait craindre le pire dans la bande-annonce, pilote qui s’est écrasé là pendant la Seconde Guerre mondiale et a vécu paisiblement parmi quelques indigènes silencieux depuis lors, s’avère être un personnage chaleureux et attachant.


Jordan Vogt Roberts fait pleuvoir les « money-shot » iconiques et les scènes de haute intensité avec la délectation visible du gamin qu’on laisse libre dans un magasin de confiserie . Ainsi une séquence mettant en scène Tom Hiddleston et un katana pourrait presque être ridicule si elle n’était pas si badass. Il confère à son méga-blockbuster un esprit de série B qui verse presque dans le bis italien dont il semble réaliser les promesses jamais tenues des affiches racoleuses. Il faut dire qu’il dispose d’un sérieux atout dans la manche dans la personne de Spiro Razatos qui occupe le poste de réalisateur de seconde équipe et coordonnateur des cascades. Ce dernier a débuté sa carrière sur des séries B des années 90 (Maniac Cop 1 & 2) où, malgré des budgets étriqués, il livrait des scènes incroyables, œuvrant désormais sur des superproductions (les Fast and Furious depuis le 5, les deux derniers Captain America) il est sans égal pour rendre particulièrement brutales des scènes d’action dans un film qui reste « tout public ». Même la vénérable ILM au diapason donne à ses créatures une apparence assez malsaine conférant une patine horrifique au film. Picturalement le film est grandiose grâce au fantastique travail du directeur de la photo Larry Fong (300, Watchmen, Super 8, BvS) dont la gestion des couleurs dominées par des teintes oranges et verdâtres donne au film une ambiance unique. Le score d’Henry Jackman (Kick-Ass, X-Men First Class) est énergique faute d’être mémorable.


Conclusion : PULP IS KING avec Kong: Skull Island, enfant mutant du film de monstres et du film de guerre du Vietnam, un véritable rollecoaster qui doit être vu sur le plus grand écran possible. La mise en scène démente de Jordan Vogt Roberts impressionne et réalise les promesses jamais tenues par les affiches des bis italiens des années 80 et c’est un compliment!

PatriceSteibel
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le 6 mars 2017

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PatriceSteibel

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