Un peu trop longtemps, j'ai cru que les scénaristes hollywoodiens avaient perdu leur mojo à cause surtout d'un problème de rythme.
Leur savoir-faire, ayant pris la forme d'un talisman finement ouvragé et poli par des décennies de chef-d’œuvres, forgé au cœur de l'âge d'or des grands studios, a un jour été perdu. Le relais, jusque là transmis de générations en générations, était tombé au sol, quelque part vers le début des années 90.
Et c'est donc cette recherche d'un rythme effréné qui était pour moi la clef de cette disparition. L'enchainement systématique de scènes d'action, validée par des screen-test hypra-normés, expliquait les introductions de personnages à la truelle, les gestions de dramaturgie à la pelleteuse, les développement psychologiques dignes d'un cimentier, coincé entre un contrat avec Daesh et un autre avec Trump.


Cette déclinaison un peu triste du mythe de Kong appuie sur un nouvel aspect du problème, sans doute bien plus profond. Un scénariste actuel de blockbuster ne cherche plus qu'une chose: faire se succéder un certain nombre de scènes, non pas juste par ce qu'elles proposent de pétaradant ou haletant, mais par ce que lui, le scribouilleur, a envie de voir apparaitre à l'écran. Un dialogue qui claque. Une composition de plan qui en jette (le soleil ici, l'hélicoptère là, la musique comme ça), une série d'éléments qui saura figurer en bonne place dans une bande-annonce aguicheuse, mais dont il n'a pas la moindre idée de comment relier la dite-scène à celle qui la précède ou celle qui la suit.


Et c'est ainsi qu'on se retrouve ici avec une succession de moments qui vous font brutalement sortir du cours d'une histoire déjà bien faiblarde, pour cause de non respect absolu d'une diégétique basique.
Un échange haineux de regards entre le grand singe et le très creux méchant colonel, baigné de flammes, ne déclenche aucune suite directe. On passe directement à autre chose, et le spectateur est obligé d'imaginer par tel miracle tortueux la dite confrontation ne peut pas avoir de conséquence immédiate.
Un type sur un bateau est brutalement happé par une sorte de ptérodactyle sans que dans les secondes qui suivent ses petits camarades ne regardent une seconde le ciel pour se protéger d'une nouvelle attaque.
Un personnage décide brusquement, et sans autre raison que de se faire écrabouiller par Kong dans la scène suivante, de faire le contraire de ce qu'il désirait depuis la moitié du film. Un héros exécute un ballet improbable avec katana et brouillard coloré hors de tout contexte. Et tout est à l'avenant.


Les types aux manettes sont donc de plutôt bons fabricants de bande-annonces, n'ayant pas le moindre talent pour remplir les trous entre deux scènes qui cherchent à revêtir un aspect systématiquement iconique, mais du coup terriblement vides de sens, d'émotions et de tout ce qui faisait vibrer le bambin amateur de fantastique qui sommeille en chacun de nous. Une série de liaisons dangereuses stupéfiante.
Précisons que j'accorde un point pour cause de bestiaire plutôt sympathique.


Et puisque tout est sexuel, concluons en avouant que le petit débardeur de Brie est fort seyant lorsque la sueur et la saleté collent à son anatomie fugacement généreuse.
Ah, et il faudra aussi m'expliquer comment le grand singe arrive a se confectionner un slip constitué de ses propres poils avec un talent dans le ton sur ton que ne renierait pas Pierre Cardin.

guyness

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