Qu’il est loin le King Kong originel de Schoedsack et Cooper, où un gorille géant enlevait sur une musique effrénée la blonde dont il est tombé amoureux. Qu’il est loin le King Kong de Peter Jackson avec son bestiaire aussi répugnant qu’effrayant. Mais surtout qu’ils sont loin les films avec une atmosphère, un scénario où tout simplement une âme. Qu’il est loin le cinéma !


Le pitch est simple, à la fin de la guerre du Viêtnam des scientifiques américains découvrent une île dans le pacifique. Craignant qu’elle ne tombe aux mains des soviétiques, les USA envoient une équipe d’exploration afin de découvrir les potentielles ressources de ce nouveau territoire. Malheureusement, le groupe va se heurter au gigantesque singe et devra donc trouver un moyen de quitter une île peuplée de créature géante.


Sans vouloir manquer de respect au légume, le scénario de ce film est digne des pires navets ! Il suffit de jeter un œil du côté des adaptations foireuses (c’est-à-dire pratiquement toutes) de L’île mystérieuse, où insectes géants et créatures titanesques menaces les naufragés. Mais après tout Pacific Rim a réussi à nous tenir en haleine avec des combats de robots colossaux et de monstres géants, alors pourquoi pas ce film ?


La lutte entre Kong et le calamar géant, est une des pires séquences de ce film. Il n’y a absolument aucune tension. La scène est rapide, aucune musique ne la rythme et les plans s’enchaînent sans aucune idée de montage. Cette séquence, poussé à l’extrême dans l’épique mais aussi dans une certaine auto-dérision, aurait pu attiser notre intérêt. Mais le réalisateur a préféré une approche « réaliste ».


Jordan Vogt-Roberts tente ici un mélange entre une production de divertissement pharaonique avec une critique politique de l’impérialisme américain. Cette tentative de grand écart va déchirer toutes les composantes du film. Les acteurs hésiteront ainsi entre jeu grandiloquent et intimiste. Les personnages à la fois caricaturaux et « profond » se perdront dans le néant du « ni l’un ni l’autre ». Ils deviennent insignifiants, supprimant ainsi le réflexe d’empathie. Les diverses morts ne provoqueront que quelque rire chez les spectateurs les plus impliqués.


Kong aurait pu s’engouffrer dans la démesure la plus totale, à l’instar de Pacific Rim, et ne faire tenir l’intrigue que sur quelques personnages principaux. Ainsi le film aurait pu laisser place à des scènes de combats dantesques sans essayer de se « légitimer » en proposant un pseudo-discours sur la défaite du Viêtnam. Malgré tout, (me direz-vous) des productions arrivent à emboîter divertissement bourrin et réflexions politiques. C’est donc une question de mise en scène.


Kong : Skull Island a la durée, l’allure, le statut d’un film mais n’en a ni la saveur, ni l’essence, ni même le langage. Certes de nombreux films se sont permis de jouer avec les codes, de les distordre, de les transformer mais toujours dans le but de faire passer un message au spectateur. La forme sert toujours un fond ; mais quand le fond est tiraillé la forme n’est plus qu’un pâle reflet d’elle-même.


Le film possède une esthétique très remarquable, notamment au niveau de l’utilisation de la couleur. La scène où James Conrad, équipé d’un masque à gaz vintage s’élance à travers un nuage toxic vert est d’une esthétique Steampunk simplement magnifique. Mais qu’est-ce que ça fout là ? Le reste du film n’épouse aucunement ce courant artistique. Vogt-Robert semble vouloir construire une maison avec une multitude de matériaux en les assemblant de manière anarchique. Le résultat n’a aucune chance de tenir, d’autant plus s’il n’utilise pas de liant.


Le montage, véritable ciment d’un film, est totalement absent de celui-ci. A l’instar d’un clip de musique, les plans au sein d’une même scène se suivent dans un rythme aléatoire et sans aucune logique apparente. Cependant, dans un clip, le montage, très souvent anarchique, permet une certaine homogénéité grâce à la musique qui donne une cohérence globale. Kong : Skull Island souffre d’une déconnexion totale entre son montage, son esthétique et sa narration.


De même, les musiques utilisées ne permettent pas d’établir ce lien. Si elles peuvent parfois créer une atmosphère, à l’instar des Gardiens de la Galaxie par exemple, les œuvres utilisées dans Kong ne semblent pas assez iconiques pour replacer le film dans l’ambiance de l’époque (même avec une référence grotesque à Apocalypse Now).


Kong : Skull Island nous donne cette impression de film inachevé tellement le résultat est incohérent. Il semble être au MonsterVerse ce qu’est Suicide Squad au DC Extended Universe : un film esthétiquement ambitieux mais massacré par la production pour les besoins de la franchise. Malgré tout, ce montage « clipesque » de deux heures reste nanardesque et n’a rien à envier aux pires films de monstres décérébrés.


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le 15 juil. 2017

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