Scorcese réalisa il y a fort longtemps un film intitulé « Mean Streets » dont le sujet principal est la tergiversation entre le gangstérisme et la sainteté. Et c'est ce dilemme que Scorcese appliqua à sa vie de cinéaste. Quand il ne traite pas de gangsters ou de leurs apparentés, il se penche sur la sainteté. Celle du christ ou du quatorzième Dalaï Lama appelé Kundun par ses affidés.


Ce film est avant tout une expérimentation du bouddhisme tibétain comme Lawrence d'Arabie est une expérimentation du désert. Les paysages, les vêtements, les rituels, les sonorités, les silences. Tout évoque la grande quiétude de cette vie monastique confrontée à l'air pur des montagnes. Paisibilité ancestrale qui viendra à être perturbée par une invasion chinoise qui délimite les nouvelles frontières de leur empire socialisant.


Aucune prouesse technique, la réalisation est sobre, élémentaire, faisant corps avec son sujet. A noter ce plan incroyable où le Kundun se trouve debout au milieu de moines assassinés. Le dézoom de la caméra nous laisse entrevoir que les cadavres se comptent par centaines et débouche sur une toile abstraite à dominante rouge. Scorcese filme avec talent son Guernica perpétré par le maoïsme et nous montre qu'effectivement la révolution n'est pas un dîner de gala. Un film qui nous laisse à voir comment un enfant prédisposé mais néanmoins espiègle prend au fil des années très au sérieux son rôle de guide suprême, à la fois chef politique et chef religieux, définition de la théocratie.


Pour conclure, une œuvre mineure de Scorcese mais qui pourtant est indispensable à la compréhension de l'ensemble. Le crime ou l'élévation, tel devrait être le titre d'un essai sur le cinéma de Scorcese et qui fut peut-être à une époque le choix de tout italo-américain extrait des bas-fonds, pris en tenaille entre mafia et catholicisme.


Un film sur un territoire qui sera passé de la féodalité au communisme sans connaître la case capitalisme, pourtant nécessaire à l'avènement de la fin de l'histoire marxiste selon sa vulgate ou sa doctrine. Si j'avais toujours vingt ans je finirais ma critique avec un « Vive le Tibet libre ! ». Mais ils sont loin derrière moi.


                        Samuel d'Halescourt

Créée

le 5 mai 2019

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