Bernadette et le reporter de guerre

Les reporters de guerre ça osent tout et c’est même à ça qu’on les reconnaît.
A peine échappé d’un théâtre d’opérations dans lequel son partenaire photographe a perdu la vie et lui-même une partie de ses capacités auditives, notre héros n’hésite pas à enchainer sur une mission pour le compte du Vatican sans même changer de costume ; il garde sur le dos son éternelle espèce de battle-dress multi-poches, comme Colombo son imper. Cette fois, c’est plus cool, il s’agit de diriger une enquête canonique sur des apparitions de la Vierge dans le Sud de la France. Il faut quand même reconnaître qu’il fallait oser. Tout commence assez bien et on se demande si l’aventure de notre baroudeur va évoluer vers une fable dans la veine de « La voie lactée » de Buñuel ou vers une farce dans le genre du «Miraculé » de Mocky. Eh bien, pas du tout… Malheureusement, passées les bonnes scènes au Vatican et la présentation de la commission canonique locale, non seulement ce n’est plus drôle - comme on aurait pu l’espérer en souvenir de l’hilarante « Marguerite » du même réalisateur - mais c’est plutôt triste. Bien que le récit se garde d’ironiser, la part d’innocence et d’authenticité de la croyance populaire incarnée par la moderne Bernadette Soubirous est vidée de sa substance au seul profit des états d’âme de notre baroudeur qui en fait vraiment trop. Les rebondissements de l’intrigue développent des éléments d’explication séculiers parallèlement à la montée du doute chez l’homme au battle-dress. Un seul avantage : Parce qu’il est obligé de s’accrocher pour tenter de comprendre ce qui se passe, le spectateur évite l’endormissement. Bien sûr, il y a un tas de choses bien faites et bien dites dans ce film dans lequel tout le monde en prend pour son grade ; autant l’Eglise institutionnelle incarnée à Rome comme en France par des personnages bien campés. Ceux-ci s’avèrent tout aussi crédibles que les faiseurs de miracles : le franciscain, l’activiste allemand et les religieuses. Golias Magazine qui sortait en janvier un numéro sur « La face cachée de Thérèse de Lisieux » devrait applaudir des deux mains. Par contre, l’enquête sur le parcours de la jeune voyante manque d’empathie. C’est dommage parce qu’à part le parti pris hasardeux qui mise tout sur l’acteur vedette, ce film est loin d’être inintéressant et les autres acteurs font très bien leur travail (mentions spéciales à quelques petits rôles : à l’assistant de Monseigneur, au théologien et à « Anton Meyer »).

Cheminet
6
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le 2 mars 2018

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Félix Cheminet

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