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Transmettre la mémoire à travers la parole

Le personnage du grand-père cristallise à lui seul les enjeux du film: transmettre la mémoire à travers la parole.


En effet, ce personnage, probablement inspiré par la grand-mère de E. Olmi (qui elle-même lui a inspiré le film selon lui), homme de la parole, détenteur de la mémoire, figure du sage que tout le monde écoute en silence lors de veillées au coin du feu avec à la fois fascination et peur lorsqu'il raconte ses histoires, illustre la volonté du cinéaste de faire resurgir le récit d'une époque passée et de le transmettre aux générations suivantes pour qu'il perdure. Et quelle mémoire prétend-il transmettre? Celle d'un temps immaculé, pas encore souillé par l'ère industrielle, où l'homme, la terre et les saisons forment un ordre naturel et harmonieux, le tout sous le regard discret d'une force supérieure invisible et toute-puissante (le Seigneur) et la férule de l'argent et du pouvoir (le seigneur).


En ce qui concerne la forme, E. Olmi contemple les événements du quotidien de cette chronique paysanne avec un regard réaliste, entre documentaire et recherche ethnologique, se tenant à distance de ses personnages tant physiquement que moralement, posant seulement un miroir sur le réel, sans y apporter d'analyse politique ou d'artifices émotionnels, comme Stendhal en rêvait. C'est cela qui le distingue de Visconti, néo-réaliste, dont La Terre Tremble entretient avec L'arbre aux sabots quelques similitudes (la misère, l'humilité, le dialecte, etc) mais sans la partialité du jeune et noble cinéaste converti au communisme ni non plus l'artificialité d'un travail artistique et esthétisant.


Malgré ses trois heures (j'avoue tout de même l'avoir vu en deux parties) et l'uniformité de la vie rurale et humble qui nous est montrée, L'arbre aux sabots sait se renouveler, saisir les détails révélateurs et les grands moments d'une vie et surtout raconter si bien que la durée ne devient pas forcément un calvaire.

Marlon_B
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le 20 janv. 2019

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Marlon_B

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