Les films d’anticipation m’ont toujours intéressé, car ils offrent une vision de notre futur, généralement basée sur notre présent, et permettent d’exprimer des opinions sur la manière dont nous vivons et comment celle-ci pourrait influencer notre avenir. L’Armée des 12 Singes, largement inspiré de La Jetée de Chris Marker, était depuis longtemps sur ma liste de films à voir, notamment pour voir ce que Terry Gilliam pouvait proposer à ce sujet.


Il est difficile de faire tout le tour du film tant celui-ci évoque des sujets variés et dignes d'intérêt. Sa principale force est, grâce à la caméra de Terry Gilliam, de parvenir à ne pas simplement évoquer un état d'esprit, mais de le représenter. En effet, la majeure partie du film nous met dans la peau de James Cole (Bruce Willis), devenu un outil pour les scientifiques, ayant pour but de voyager à travers le temps pour enquêter sur l'apparition et la diffusion d'un virus mortel qui a éradiqué 99% de la population vers 1996. James, en proie à des flashbacks, aux voyages temporels, et au poids de sa mission, est pris par cette folie ambiante qui habite tout le film, et est matérialisée par la caméra "folle" de Terry Gilliam, qui s'amuse à déformer les perspectives et à incliner ses objectifs pour rendre le tout le plus irrationnel possible.


Ainsi, cette folie permet de mettre en avant la déshumanisation du monde futur, tant au niveau de la population, totalement décimée, que des attributs émotionnels et spirituels, le monde étant alors dirigé par des scientifiques rigides déléguant tout à la technologie. Par l'absurde, Gilliam explore ce futur dystopique où l'élite semble bien peu encline à prendre les bonnes décisions, et celle-ci trouve écho dans le "présent" à travers les commissions d'experts médicaux de l'hôpital psychiatrique.


Comme dans son précédent Brazil (1985), Terry Gilliam utilise l'aliénation comme un facteur visant à dénoncer l'absurdité du monde qui nous entoure, où le héros, dont nous soutenons la cause, est pourchassé par ses pairs. Là où L'Armée des 12 Singes parvient à se distinguer des autres films d'anticipation, c'est dans sa capacité à faire ressentir les choses plus qu'à les montrer. Au lieu de nous montrer un voyage temporel et un vaste puzzle s'assembler, le réalisateur nous plonge dans l'esprit de son héros pour transformer la réalité à travers les fluctuations de l'état mental de James et des révélations qu'il découvre au fil de son aventure. C'est une réalité qui est donc purement subjective qui nous est exposée et permet donc une expérience et un rapport tout particulier avec le personnage et le film, comme dans Le Miroir (1975), où Andreï Tarkovski poussait l'exercice à l'extrême.


L'Armée des 12 Singes peut se voir comme un film d'anticipation sur les limites de la technologie et de sa compatibilité avec l'homme, sur les dangers de la surconsommation, sur le voyage temporel, etc. Tout en étant capable de balayer ces thématiques, Terry Gilliam parvient à mettre en place un puzzle temporel prenant et plein de mystère qui tient en haleine le spectateur jusqu'au bout du film et lui permet d'élaborer ses propres théories. L'Armée des 12 Singes se présente comme un des meilleurs films de science-fiction grâce à son esthétique, son exhaustivité et sa complexité, laquelle n'est pas rebutante, bien au contraire. Avis, donc, à tous les amateurs du genre, qui y trouveront forcément leur compte.

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le 17 juil. 2017

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