"L'armoire volante" est un film que j'ai vu petit et qui depuis lors n'a jamais cessé d'exercer une solide fascination. Inclassable, cette comédie a quelque chose d'inénarrable, voire d'incompréhensible.

Cette dernière revoyure m'a procuré un énorme plaisir. Cela faisait tellement longtemps que je ne l'avais pas vu, cependant je me souvenais d'à peu près tout. J'ai pourtant été encore une fois fasciné par le traitement de cette histoire mêlant comédie, fantastique et absurde. On dirait un long épisode de la 4e dimension (version Sterling), avant l'heure.

L'atmosphère très noire du début du film est rendue presque effrayante par instants grâce à la photographie de Nicolas Hayer, un très grand chef-opérateur (Le corbeau, Deux hommes dans Manhattan, Orphée, Le doulos, Don Camillo, Panique et j'en passe). Son image allonge les ombres. Les blancs sont accentués par contraste et donne à l'hiver un aspect encore plus glaçant.

La musique d'un autre grand, Georges Van Parys, inquiète d'autant plus que les dialogues réussissent à très tôt laisser entendre l'issue funeste. Et tout le monde d'attendre la mort de la vieille carne toussotante.

Ce périple routier dans le flou verglacé du jour, puis dans le noir lugubre de la nuit, est interminable. Pendant ce temps, un Fernandel méconnaissable, en austère percepteur est aux prises à un groupe de vieilles filles, acariâtres et langues de vipères, l'image même de la société médisante. Pour une fois Fernandel est tout en retenue. La surprise quintuple l'effet de malaise. Quand on connait la fin du film, tout ce dispositif est clairement évident, tout à fait sensé.

Le début du film baigne dans une étrangeté proche du fantastique. L'esthétique qui se dessine avec ses jeux d'ombre a quelque chose de gothique même parfois, on s'attendrait presque à voir Barbara Steele à surgir au détour d'un plan. Mais c'est vrai que les dialogues noirs et assez gouailleurs nous ramènent à la réalité d'une film français d'entre deux guerres.

Et puis progressivement le film tourne un peu à une espèce de grosse farce quand Fernandel inspecte toutes les armoires d'un hôtel. Le film perd alors de sa prestance retrouvant une allure comique plus commune.

La première partie du film me plait énormément, le milieu me déçoit quelque peu, heureusement la dernière partie apparait charmante par sa noirceur et son humour macabre. Depuis que j'ai vu ce film, j'ai pour son auteur, Carlo Rim une curiosité intéressée. Il me faudra en voir d'autres de ce gaillard.
Alligator
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le 17 nov. 2012

Modifiée

le 10 juil. 2013

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Alligator

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