Kirk Douglas dans le rôle d'un publicitaire en pleine dépression, Faye Dunaway dans celui de sa maîtresse : l'histoire d'un homme qui a tout réussi sauf à être heureux, un homme qui va mettre sa vie, sa profession, son mariage, sa famille en danger, parce qu'il décide du jour au lendemain qu'il en a assez de cet arrangement hypocrite avec la vie consistant à accumuler les apparences du bonheur et à se plier aux normes sociales de la réussite, au détriment de cette voix intérieure qui appelle à des choses plus simples, plus pures, plus essentielles.
Si toute la première moitié de ce film, qui dure plus de deux heures, est intéressante et piquante, c'est dans sa seconde moitié que L'arrangement trouve sa véritable ampleur. La liaison adultrine passionnée du personnage principal, un peu répétitive à la longue, laisse place à la quête de ses origines : lui qui voulait faire de longues études et avait une sensibilité d'artiste, comment est-il devenu ce publicitaire riche et cynique ? quelle était sa relation avec ce père dur et autoritaire qui perd aujourd'hui la tête ? comment sa mère, protectrice et complice, a-t-elle sans le vouloir participé au façonnement d'une personnalité et d'une vie qu'il veut désormais bouleverser ?
Avec un sens de la psychologie subtil et de très émouvants flash-back (pendant lesquels le héros se retrouve physiquement plongé dans ses souvenirs et peut se regarder plus jeune : un procédé très proche de ce que l'on retrouvera quarante ans plus tard dans la série Esprits Criminels), Elia Kazan explore les rapports père-fils en même temps qu'il s'attache à décrire la folie ordinaire, celle qui naît du sentiment d'être aliéné à sa propre vie. Le personnage de Kirk Douglas voudrait arrêter de faire semblant, arrêter de courir après la réussite, arrêter de nourrir cette illusion de bonheur (qu'il connait par cœur puisque c'est son métier de la vendre) : mais peut-on vraiment tout changer le jour où la saturation est devenue insupportable ? comment faire comprendre à sa femme, à son père, à ses enfants, qu'on a envie de tout plaquer pour enfin prendre le temps de ne rien faire d'autre que réfléchir et regarder passer le temps, quand il ne pensent qu'à l'argent et au confort auxquels on les a toujours habitués ? comment casser le cycle de toute une vie, qui trouve ses racines dans l'éducation d'un père obtus qui aime mal mais que l'on ne peut se résoudre à haïr ? et a-t-on le droit d'imposer un revirement aussi radical à ses proches ?
L'arrangement est un drame poignant traversé de quelques fulgurances vraiment drôles qui soulignent l'absurdité d'un monde de marchands obnubilés par une illusion de bonheur aliénante. Un film très fort qui a trouvé une vraie résonance en moi.