Adapter l'inadaptable.

Récit aussi absurde que tragique, "L'écume des jours" de Boris Vian reste pour moi une de mes plus belles découvertes littéraires, celles qui vous capturent le coeur sans que vous ne vous en rendiez compte. A l'annonce d'une nouvelle adaptation cinématographique, ,je ne pouvais que rester perplexe, tant l'univers foisonnant et abstrait de Vian ne semblait pas franchement adapté pour l'écran, même avec un doux-dingue comme Michel Gondry aux commandes.

Et effectivement, tout le film de Gondry semble démontrer par A + B que les écrits de Vian passent difficilement le cap du cinéma. Malgré tous ses efforts de bricoleur poétique, Gondry ne parvient pas totalement à capturer l'essence du roman, à en extraire l'émotion, ne livrant finalement qu'une adaptation scolaire aux dialogues casse-gueule déclamés par un casting peu à l'aise dont on ne retiendra que la légèreté d'Omar Sy et une Audrey Tautou aussi touchante qu'adorable.

Pourquoi une note aussi élevée alors ? Tout simplement parce que malgré ces énormes réserves, il émane de "L'écume des jours" une poésie de chaque instant que l'on ne trouve que dans le coeur des doux rêveurs, une imagination débordante capable de retranscrire avec un mélange détonant de justesse et de folie les idées les plus saugrenues de Boris Vian, et d'offrir à son audience une poignée de séquences frôlant la grâce.

Bien trop long, abordant superficiellement l'aspect politique et social du bouquin avec une imagerie orwellienne trop proche du "Brazil" de Terry Gilliam, et peu novateur dans la carrière du cinéaste (Gondry se contente de faire du Gondry), "L'écume des jours" est cependant une oeuvre précieuse qui fascine jusque dans ses défauts, empreinte d'une mélancolie allant droit au coeur et définitivement trop rare dans notre paysage cinématographique timoré pour ne pas la choyer.