Maladie d'amour...

Un film remarquable commençant comme une idylle amoureuse narrée sous une forme audacieusement elliptique, se poursuivant comme un polar empreint de suspicion et se terminant comme un cauchemar paranoïaque littéralement irrésolu. En un peu plus d'une centaine de minutes Claude Chabrol rend gloire au projet originel du regretté Henri Georges Clouzot et signe un drame intimiste élégamment psychologique, dépeignant l'enfer titulaire comme une jalousie maladive entraînant dans sa spirale destructrice le personnage de Paul Prieur ( François Cluzet, à la fois cabotin et diablement intrigant ) et celui de sa femme Nelly ( Emmanuelle Béart, extraordinairement désirable et victime de son ineffable charme ).

Film sur le terrible sentiment de possession et sur la traitrise des affects L'enfer est donc un Chabrol de tout premier choix, pariant sur le caractère démesuré de ses situations et sur l’ambiguïté des faits représentés par le cinéaste français ; aussi la culpabilité présupposée de Nelly par son mari ne sera jamais ni totalement évincée, ni totalement confirmée par Claude Chabrol, ce dernier nous plaçant aux côtés de Paul pour mieux nous laisser partager ses affres sentimentaux... Et si encore une fois le milieu bourgeois sert de toile de fond au récit c'est davantage le sens du portrait relationnel qui intéresse le réalisateur que la dimension sociologique inhérente au postulat de départ...

Emmanuelle Béart tient indubitablement de la grande actrice, jouant de sa cinégénie tout en alimentant son personnage d’ambiguïtés passionnantes : aguicheuse au gré des fantasmes de Paul, meurtrie et fermée au contact de sa jalousie Nelly est l'une des plus belles figures du cinéma chabrolien. Quant à Cluzet, excessif au point d'en devenir assez comique voire grotesque il parvient à conférer une atmosphère irréelle, pratiquement surnaturelle à ce polar amoureux de qualité certaine. Superbe !