Assez paradoxal mais la grande idée autour de laquelle L'Extraordinaire Mr Rogers est également sa grande erreur. Au lieu de s'adonner à l'exercice du biopic classique concernant le présentateur de l'émission pour enfants Mister Rogers' Neighborhood (déjà librement entrepris dans la série Kidding, avec Jim Carrey), Marielle Heller envisage son film comme le dernier épisode du programme.
Une apostille qui déplace rapidement le curseur de Rogers à l'homme qui est chargé de l'interviewer. Un parti pris intéressant, puisqu'il présente la dualité (parfois dérangeante) d'une icône à la fois familière et inaccessible. À mi-parcours, le film opère à une bascule amusante, achevant de flouer la séparation réel/fiction. Finalement, le plus bel hommage qu'on puisse rendre à celui qui, par écran interposé, s'est immiscé dans d'innombrables foyers américains.
Mais aussi un exposé profondément déceptif, car il n'ouvre jamais la porte dérobée vers l'homme derrière la légende. Et c'est également là qu'il se révèle décevant avec une banale sous-intrigue (de recomposition familiale) qu'il met au premier plan. Privilégier l'anecdotique à l'important (Rogers) achève d'amenuiser l'intérêt autour du film. Alors certes on ne pouvait pas rêver mieux qu'un Tom Hanks (éternel nice guy du cinéma) pour l'incarner, et il est prodigieux. Et il serait injuste d'occulter les prestations impeccables de Matthew Rhys, Susan Kelechi Watson ou Chris Cooper. Malheureusement, ils offrent leurs services à un biopic en charentaises, élégamment mis en scène mais désespérément convenu.