Chef d'oeuvre injustement méconnu.
William Wyler, réalisateur honorable mais un peu oublié aujourd'hui, est surtout connu pour son péplum bigger than life Ben Hur (1959). Dix ans auparavant, il signait pourtant avec l’Héritière (The Heiress) un film de toute beauté qui mérite d'être vu et revu.
Adaptation d'une nouvelle d'Henry James (Washington Square) se déroulant à la fin du XIXème siècle dans un quartier chic de New York, L’Héritière raconte l'histoire d'amour contrariée d'une jeune femme timide et d'un jeune homme arriviste, joués par Olivia de Havilland et Montgomery Clift.
Grâce à une mise en scène ingénieuse et une interprétation sans faille, William Wyler arrive sans mal à passionner son public malgré un argument initial somme toute ténu. Le scénario déjoue nos attentes et fait évoluer les personnages d'une manière originale, les dialogues sont à ce titre particulièrement réussis. La relation dominant/dominé entre Catherine, l'héritière et le flamboyant Morris va se révéler beaucoup plus complexe qu'au premier abord. Sans spoiler la fin, le film démontre très clairement à quel point les apparences sont trompeuses et combien la psyché humaine peut être complexe. Le film, qui pourrait être taxé de classicisme par quelques esprits moqueurs, démontre sa profonde modernité, notamment dans sa description du cheminement du personnage féminin.
Il faut dire que Wyler est servi par des acteurs incandescents, Olivia de Havilland est parfaite en jeune femme chétive et timide qui va se muer au contact d'un Montgomery Clift d'une intensité peu commune. Le jeune comédien, adepte de la fameuse Méthode, avait été critiqué pour sa prestation abrasive. C'est tout à fait injuste car il trouve là un de ses plus beaux rôles, qu'il exécute avec un talent certain.
La réalisation n'est pas en reste. Ce drame se situant presque exclusivement en vase clos, il aurait été facile de tomber dans une ambiance statique et laborieuse ... Il n'en est rien, Wyler multiplie les déplacements et utilise au mieux les décors pour stimuler l’œil du spectateur. En outre, L'Héritière bénéficie d'une photographie d'une beauté peu commune : le noir et blanc et la composition picturale du cadre sont tout simplement sublimes. C'est sans doute l'un de plus beaux films réalisés en noir et blanc.
Au final, L'Héritière est une œuvre majeure de l'âge d'or du cinéma américain. Sans doute le plus beau joyau de son auteur, avec La Rumeur (1961).